
La Maison Blanche a fait "pression" sur Facebook et Instagram pour censurer des contenus sur le Covid-19
Mark Zuckerberg, le PDG de Meta, a affirmé dans une lettre adressée à une ...
© Le bâtiment de l'architecte français Jean Nouvel, la tour Glories, abritaient les bureaux de l'entreprise Telus, sous-traitant de Meta pour la modération, à Barcelone. La photographie est prise de nuit, mai 2024.
Meta, maison-mère de Facebook, Instagram et Whatsapp, quitte Barcelone. Un coup dur pour l'économie locale, Meta ferme son centre de modération de contenus. Environ 2000 employés locaux et internationaux travaillaient à modérer les contenus publiés sur Facebook et Instagram.
Jeudi 3 avril, le groupe Meta a décidé subitement la fermeture de son centre de modération de contenus de Barcelone, principal acteur pour les publications européennes. Cette fermeture fait suite aux annonces du patron de Meta, Mark Zuckerberg, début janvier 2025, lorsqu’il avait notamment décidé de mettre fin à son programme de "fact-checking" aux États-Unis.
Le centre de modération de Meta a fermé ses portes, à Barcelone. D’après quelques-uns des 2 000 employés de Telus, l'entreprise canadienne sous-traitante de Meta, qui témoignent anonymement, l’annonce était visiblement inattendue. Jeudi 3 avril, ils ont tous été convoqués au deuxième étage de la mythique Tour Glories (Torre Glòries) de Jean Nouvel, où sont installés les bureaux de Telus. En moins d'une heure, ils se sont vus demandé de restituer leurs badges et de ne plus revenir. Le géant américain faisait travailler plus de 2000 personnes, dont environ 200 francophones ( en majorité français et camerounais) et des centaines d'autres employés internationaux travaillaient à modérer les contenus publiés sur Facebook et Instagram, via le prestataire canadien Telus.
Officiellement, le géant américain veut « transférer ses services » ailleurs. Après sept ans à Barcelone, la fermeture du centre est un coup dur pour l'économie locale.
C'est au onzième étage de la Tour Glòres (Torre Glòries) que de centaines d'employers internationaux, filtrent et examinent chaque jour des contenus signalés pour violence, incitation à la haine, fraude, harcèlement, pornographie ou toute autre violation des règles de la plateforme. Un travail parfois éprouvant, mais que certains trouvent aussi « intéressant car tu es bien tenu au courant de l’actualité ». C’est d’ailleurs plutôt bien payé pour ce qui est assimilé à un call center, et dans une ambiance de travail agréable selon beaucoup. « C’est vraiment une bonne planque pour les francophones de Barcelone ! »
Jeudi 3 avril à 11h, les employés sont subitement convoqués au 2e étage. Et à 12h, ils ont déjà rendu leurs badges, leurs casques, et signé un document les enjoignant à ne plus revenir au bureau jusqu’à nouvel ordre. « Personne ne s’y attendait », raconte un employer anonyme. « Il y avait une session photo prévue dans peu de temps pour les nouveaux badges, donc personne n’était au courant, pas même les managers ».
Les responsables de Telus, leur employeur et sous-traitant de Meta, expliquent que l’entreprise américaine a mis fin au contrat au 1er avril afin de relocaliser, sans préciser où, les services de modération de contenus. « En raison de la confidentialité et de la sécurité des opérations de notre client, et à la demande de celui-ci, les plateformes de révision de contenus ont été fermées à compter du 3 avril 2025 à 12h », a indiqué Telus dans un communiqué distribué aux employés.
Dans la tour Glòries, c’est le choc. « Beaucoup de gens étaient en larmes, c’était un peu violent ». Parmi les employés, beaucoup ont des familles à charge, des crédits immobiliers et des trains de vie à maintenir. « Il y a des gens qui travaillaient là depuis 6 ans, et s’imaginaient rester encore longtemps… mais c’était trop beau pour durer », indique notre source à Regard Sur l'Afrique.
Procédures judiciaires
Tous continuent d’être payés pour l’instant, jusqu’à ce que les négociations aboutissent avec les syndicats « dans les semaines à venir », a indiqué l’entreprise Telus.
Certains pourraient être transférés sur d’autres projets de Telus, mais difficile de trouver un poste pour les 2000 personnes employées pour Meta.
Pourquoi Meta a-t-il subitement décidé de fermer son centre de modération à Barcelone ?
Aucune réponse officielle n’a été donnée, mais le site cumule quelques casseroles. Un différentiel de rémunération entre modérateurs hispanophones et opérateurs en langues plus rares a notamment conduit à des actions en justice. Les tribunaux ont donné raison aux plaignants, estimant que les modérateurs en espagnol devaient percevoir un salaire équivalent à celui de leurs collègues. L’entreprise a dû verser des milliers d’euros d’arriérés de salaires et pourrait faire face à de nouvelles plaintes.
Plus récemment, un ancien salarié a obtenu en justice la reconnaissance du traumatisme psychique causé par son travail, après plusieurs années de traitement psychiatrique. Le juge a statué qu’il s’agissait bien d’un accident du travail, et non d’une pathologie d’origine personnelle, comme l’affirmait l’entreprise. Enfin, selon plusieurs sources internes, 1 employé sur 5 était en arrêt-maladie, un ratio intenable pour la rentabilité.
Mark Zuckerberg qui se rapproche désormais de politique de Donald Trump, entraîne un assouplissement de la modération des contenus sur ses plateformes. L’affaire des droits de douane est également évoquée, Telus étant une entreprise canadienne. Et enfin le spectre de l’intelligence artificielle, qui remplace progressivement certains postes humains, vient accentuer l’incertitude. Pendant que les employés de la Torre Glòries apprenaient la semaine dernière qu’ils perdaient leur travail, tous ont découvert, comme des millions d’Espagnols, l’arrivée de Meta AI sur leur application Whatsapp.
Meta et son sous-traitant, Telus Digital, assurent que ces postes seront répartis sur d’autres sites.
Telus Digital est le nom commercial de Telus International Inc., une entreprise technologique canadienne. Parmi ses clients figurent des entreprises des secteurs des technologies, des jeux, des communications et des médias, du commerce électronique, des services financiers, des services bancaires, des cartes de crédit, des technologies financières, du voyage et de l'hôtellerie, de la santé et de l'automobile.
Africa24monde Par Tinno BANG MBANG, correspondant à Barcelone