L'ex-dirigeant a écopé de vingt ans de prison pour sa responsabilité dans le massacre du 28 septembre 2009 à Conakry. Sept autres accusés ont été condamnés, certains jusqu'à la prison à perpétuité.
Le tribunal de Dixinn a rendu son verdict. Ainsi, les responsables de la junte à l'époque des faits ont été reconnus coupables de crimes contre l'humanité de par leurs responsabilités de commandement.
Dans la salle du tribunal de Conakry où les forces de sécurité avaient été déployées massivement, dix des douze accusés étaient présents à la lecture du verdict, dont Moussa Dadis Camara, en boubou jaune et vert, qui est resté impassible à l'annonce de la décision.
De la prison et de fortes amendes
Président de la junte à l'époque, Moussa Dadis Camara écope de 20 ans d'emprisonnement, tout comme le gendarme Moussa Tiégbora Camara, l'ex-secrétaire d’Etat chargé des services spéciaux, de la lutte antidrogue et du grand banditisme.
Toumba Diakité, l'ancien aide de camp de Moussa Dadis Camara, a lui été condamné à dix ans d'emprisonnement.
Claude Pivi, qui s'est évadé le 4 novembre 2023, a lui subi une réclusion criminelle et a donc condamné à la prison à perpétuité. Un mandat d'arrêt international a même été lancé contre lui.
D'autres également ont été condamnés pour crimes contre l'humanité, cette fois-ci pour responsabilité individuelle, à l'instar de Marcel Guilavogui, qui écope de 18 ans d'emprisonnement. Blaise Goumou a lui été condamné à quinze ans d'emprisonnement, Mamadou Aliou Keïta passera onze ans derrière les barreaux tandis que Paul Mensa fera dix ans de prison.
Les auteurs de ces crimes contre l'humanité vont payer jusqu'à trois milliards de francs guinéens pour indemniser les différentes victimes.
Quelques acquittements
Par ailleurs, le tribunal a purement et simplement décidé d'abandonner les poursuites envers d'autres accusés, à l'instar du Cécé Raphaël Haba, non présent au moment des faits.
Membre des forces de sécurité, Ibrahima Camara, alias Kalonzo, a également été déclaré non coupable. Ancien ministre de la Santé, Abdoulaye Chérif Diaby,, a été acquitté des charges portées contre lui, tandis qu'Alpha Amadou Baldé, membre des forces de sécurité, a été jugé non coupable.
Un épisode sombre de l'histoire de la Guinée
Pour rappel, le 28 septembre 2009, au moins 156 personnes ont été tuées, par balle, au couteau, à la machette ou à la baïonnette, et des centaines blessées, dans la répression d'un rassemblement de l'opposition dans un stade de Conakry et ses environs, selon le rapport d'une commission d'enquête internationale mandatée par l'ONU. Au moins 109 femmes ont été violées.
Les exactions ont continué plusieurs jours contre des femmes séquestrées et des détenus torturés dans ce qui est considéré comme l'un des épisodes les plus sombres de l'histoire contemporaine de la Guinée. Et les chiffres réels sont probablement plus élevés.
Que s'était-il passé et qui sont les principales personnes condamnées avec Moussa Dadis Camara ?
La justice guinéenne a rendu son verdict ce mercredi, dans l’affaire du massacre du 28 septembre 2009 au stade de Conakry, après près de deux ans de procès.
Retour sur les temps forts d'un épisode sombre de l'histoire de la Guinée
Pour rappel, le 28 septembre 2009, au moins 156 personnes ont été tuées, par balle, au couteau, à la machette ou à la baïonnette, et des centaines blessées, dans la répression d'un rassemblement de l'opposition dans un stade de Conakry et ses environs, selon le rapport d'une commission d'enquête internationale mandatée par l'ONU. Au moins 109 femmes ont été violées.
Les exactions ont continué plusieurs jours contre des femmes séquestrées et des détenus torturés dans ce qui est considéré comme l'un des épisodes les plus sombres de l'histoire contemporaine de la Guinée. Et les chiffres réels sont probablement plus élevés.
Les principaux acteurs de ces évènements
Au total, 12 personnes étaient poursuivies, dont Moussa Dadis Camara, le chef de la junte, mais 8 seulement ont été condamnés à des peines allant de 10 à 20 ans de prison.
Ils débourseront aussi deux cent millions pour chaque cas de torture et de coups et blessures volontaires
En plus, 8 des condamnés doivent payer « un franc symbolique » pour chaque ONG constituée, un milliard cinq cent millions de francs guinéens (environ 105 millions de Francs CFA) par cas de viol, un milliard (70 millions de Francs CFA) pour chaque cas de mort et de disparu et Cinq cent millions dans la même devise pour chaque cas de pillage.
Dans les détails de la décision lue par le juge Ibrahima Sory 2 Tounkara, Moussa Dadis Camara et Moussa Tiegboro Camara écopent de 20 ans d’emprisonnement. Marcel Guilavogui lui est condamné à 18 ans d’emprisonnement, Blaise Goumou a également écopé de 15 ans d’emprisonnement, 11 ans pour Mamadou Aliou Keita, 10 pour Aboubacar Diakité dit Toumba et Paul Mansa Guilavogui
Quatre de leurs coaccusés ont été relaxés. Il s’agit de Cécé Raphaël Haba, Ibrahima Camara dit Kalonzo, Abdoulaye Chérif Diaby, Alpha Amadou Baldé. La justice a estimé qu’aucun fait pour lequel ils étaient poursuivis ne leur est imputable. Expliquant qu’aucun témoin n’a affirmé les avoir vu au stade lors des faits.
Moussa Dadis Camara et ses coaccusés étaient poursuivis depuis le 28 septembre 2022, pour ce massacre au stade de Conakry, lorsque les autorités ont réprimé dans le sang un rassemblement de l'opposition.
Des faits qualifiés par la justice, de « crimes contre l’humanité par meurtres, assassinats, torture, séquestration, viols et responsabilité de supérieur hiérarchique »
Les principaux accusés
- Moussa Dadis Camara était chef de la junte au moment des faits
Capitaine de l’armée guinéenne, Il n’a que 44 ans, lorsque, le 22 décembre 2008, il annonce à la télévision guinéenne la dissolution du gouvernement et la suspension de la Constitution, le jour même du décès du dirigeant de longue date, Lansana Conté. Deux jours plus tard, il est proclamé par les forces armées Président de la République.
Après 13 mois de pouvoir, il renonce au pouvoir pour « raisons de santé », on est le 15 janvier 2010, après une médiation de Blaise Compaoré alors ancien président du Burkina Faso où il a poursuivi sa convalescence, après avoir reçu une balle d'un de ses éléments dans la tête.
Durant le procès, Dadis dira avoir été écarté du pouvoir par un complot international. Pendant qu’il est au pouvoir, un massacre a lieu, le 28 septembre 2009 au stade de Conakry la capitale.
Des faits pour lesquels il a été condamné ce mercredi 31 juillet 2024, pour « crimes contre l’humanité sur la base de la responsabilité du supérieur hiérarchique ». Des faits qu’il a niés pendant le procès.
Dadis Camara qui vivait en exil au Burkina Faso est rentré expressément pour ce procès et avait déclaré à son retour qu’il était prêt à faire face à la justice de son pays. Au moment de sa condamnation, il est âgé de 59 ans.
Lui aussi capitaine à l’époque des faits, il est membre du Conseil national pour la démocratie et le développement, créé par Moussa Dadis Camara au moment de prendre le pouvoir. Il est nommé par le chef de la junte, secrétaire d’État à la présidence de la République chargé des services spéciaux, de la lutte anti-drogue et du grand banditisme.
Après le départ de Moussa Dadis, Moussa Tiegboro Camara sera nommé par Sekouba Conaté, comme directeur puis secrétaire général de l’agence nationale chargée de la lutte contre le trafic de drogue, la criminalité organisée et le terrorisme en Guinée.
Tiegboro Camara devient en 2012, l’un des plus importants officiers inculpés dans l’affaire du massacre du 28 septembre. Il niera tout en bloc devant le tribunal. « Je n’ai pas mis mes pieds au stade ce jour-là », a-t-il déclaré devant les juges. Il a écopé de 20 ans de prison comme son mentor, Dadis Camara, dont il dit n’avoir reçu aucun sous pour exécuter les faits que la justice lui reproche.
Alors que le procès était en cours, Moussa Tiegboro Camara, déjà colonel, a été radié de l’armée, en novembre 2023, au lendemain de la tentative d’évasion de prison effectuée par Moussa Dadis Camara et Claude Pivi, lui aussi poursuivi dans le même dossier, mais qui est depuis lors introuvable.
- Aboubakar Sidiki Diakité dit Toumba
Il a été l’attraction de ce procès, avec ses pics lancés aux avocats de l’accusation. Toumba est l’aide de camp du capitaine Moussa Dadis Camara et chef de la Garde présidentielle. Il a tenté une fuite avant d’être arrêté au Sénégal en décembre 2016 puis extradé en Guinée en mars 2017, où il a été placé en détention.
En tant que chef de la garde présidentielle au moment des faits, il aurait coordonné le déploiement de troupes qui ont ouvert le feu à l’arme lourde sur des civils non armés. Les organisations de défense des Droits de l'homme l’ont accusé d'être le principal responsable de ce massacre considéré comme un crime contre l'humanité. Ce qu’il a nié pendant le procès.
Lui est l’élément le plus recherché du procès. Ministre de la Sécurité présidentielle au moment des faits, Claude Pivi était en détention dans la même prison que Moussa Dadis Camara lorsqu’il a réussi à disparaitre, lors d’une spectaculaire évasion de la prison centrale de Conakry. Depuis, il n’a plus été rattrapé, malgré une récompense de plus de 50 mille euros promise par les autorités à qui le ramènerait. Il a écopé d’une condamnation par défaut à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de 25 ans. Un mandat d'arrêt lui a été décerné.
- Paul Mansa Guilavogui dit Sergent Paul
Il est, au moment des faits, l’un des chefs du Camp Koundara, une garnison militaire située au quartier Boulbinet, dans la commune de Kaloum. Un camp tristement célèbre pour des cas de tortures infligées aux personnes arrêtées lors des évènements du 28 septembre.
C’est dans ce camp que Toumba Diakité avait ouvert le feu Dadis Camara en décembre 2009 et assassiné Makambo Loua, un commandant de l’armée guinéenne. Le chef de la junte avait été opéré au Maroc d’un traumatisme crânien, puis avait quitté le pouvoir environ un mois après les faits pour « raisons de santé ».
- Marcel Guilavogui et Cécé Raphaël Haba
Sous-lieutenant à l’époque des faits, il est l’aide de camp du lieutenant Toumba et chef adjoint de la Garde présidentielle. Il sera parmi les premiers arrêtés et mis en détention dans le cadre de cette affaire en 2010. Il est mis en détention la même année que l’adjudant Cécé Raphaël Haba, qui était l’aide de camp et garde du corps du capitaine Moussa Dadis Camara et membre influent de la garde présidentielle à l’époque des faits.
On peut aussi citer le lieutenant Blaise Guemou, l’un des adjoints du commandant Tiégboro, le ministre de la santé, le colonel Abdoulaye Chérif Diaby de Dadis Camara, le général Mamadouba Toto Camara, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et numéro 2 du CNDD.
Africa24monde avec RSA et DW