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© Le gouverneur de la BEAC, Yvon Sana Bangui lors de son allocution à la Finance Week le 17 juin 2025 à Yaoundé
À l’occasion de la troisième édition de la Finance Week, tenue le 17 juin 2025 à Yaoundé, le gouverneur de la BEAC, Yvon Sana Bangui, est revenu sur les avancées et les défis liés à la mise en œuvre de la nouvelle réglementation des changes dans la zone CEMAC.
Dans cet entretien, il réaffirme le rôle central de cette réforme pour la stabilité économique et monétaire de la sous-région.
Monsieur le Gouverneur, vous avez participé ce 17 juin à la troisième édition de la Finance Week au Cameroun. Concrètement, que peut-on retenir de cet évènement qui a rassemblé de nombreux acteurs du monde économique et financier de la CEMAC ?
Le thème de cette troisième édition de la Finance Week, événement majeur organisé par le journal EcoMatin, revêtait une importance particulière. Consacré à la réglementation des changes et au développement économique dans la zone CEMAC, il a permis d’ouvrir un dialogue approfondi sur les défis et les perspectives de cette réforme monétaire.
J’ai ainsi eu l’honneur de m’adresser à l’ensemble de l’écosystème financier de la sous-région notamment les établissements de crédit, partenaires au développement, représentants du secteur privé, afin de dresser un état des lieux des défis et perspectives de la mise en œuvre de la nouvelle réglementation des changes. Je peux d’ores et déjà affirmer que cette réforme, entrée en vigueur en 2019, a permis à la CEMAC de retrouver son équilibre économique.
Comme chacun le sait, cette réglementation a été conçue comme une réponse stratégique à la fragilité de nos économies, qui ont été fortement éprouvées entre 2012 et 2016. Durant cette période, nos réserves de change sont tombées à un niveau critique — à peine deux mois et demi d’importations — exposant la zone à un risque de crise monétaire. C’est dans ce contexte que les chefs d’État de la communauté ont pris la décision historique d’instruire la banque centrale de mettre à jour une réglementation de changes existante mais jusque-là peu appliquée.
Ce processus, lancé en 2018, s’est appuyé sur une large concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Il a abouti à l’adoption, en 2019, d’un cadre renouvelé, mieux adapté aux enjeux actuels. Aujourd'hui, nous pouvons dire avec certitude que les preuves de l'efficacité de cette réglementation de changes sont indiscutables. Le niveau de rapatriement des recettes d'exportation a connu des améliorations, ce qui a permis de renforcer nos réserves de changes en passant de 2 à 2,2 mois d’importations en 2016 à 4,6 mois d’importations aujourd'hui.
Notre ambition est désormais de consolider ces acquis. Il s’agit de poursuivre le renforcement du rapatriement des devises, afin de financer l’investissement productif, soutenir la diversification économique et garantir la stabilité monétaire de la région. Ces réserves, renforcées, ont jusqu’ici permis d’éviter à la CEMAC une crise monétaire majeure. C’est pourquoi nous devons continuer à considérer la réglementation des changes comme le pilier fondamental de notre économie.
Le niveau de rapatriement des recettes d'exportation a connu des améliorations, ce qui a permis de renforcer nos réserves de changes en passant de 2 à 2,2 mois d’importations en 2016 à 4,6 mois d’importations aujourd'hui.
J’en appelle donc à l’engagement de tous les acteurs : établissements de crédit, entreprises, opérateurs économiques à accompagner les efforts de la Banque centrale tant dans le respect des obligations déclaratives que dans l’apurement des dossiers. Mais également, appuyer la Banque centrale dans la diversification de nos économies.
Vous évoquez une amélioration dans le cadre du rapatriement des recettes d’exportation, alors que le délai fixé au 30 avril 2025 par les chefs d’Etats de la CEMAC pour la signature des accords formels de rapatriement des devises est dépassé sans que les objectifs fixés soient totalement atteints…
Nous avons encore d'importants objectifs à atteindre en matière de renforcement du processus de rapatriement des recettes d’exportation. Toutefois, certaines résistances persistent, notamment dans le secteur pétrolier, avec lequel les échanges restent longs et complexes, malgré l’injonction claire des chefs d’État de la communauté, qui ont fixé l’échéance du 30 avril 2025.
Tous les assujettis sont désormais appelés à se conformer pleinement à la réglementation en vigueur, en procédant au rapatriement intégral des recettes issues des exportations. C’est à ce prix que nous pourrons consolider durablement l’autonomie financière et monétaire de la zone CEMAC.
Je saisis également cette tribune pour adresser un appel particulier : nous attendons du Cameroun qu’il accélère la réhabilitation de la Sonara (Société Nationale de Raffinage). Aujourd’hui, l’une des principales sources de pression sur nos réserves de change demeure l’importation massive de produits pétroliers. Il est donc impératif de créer davantage de valeur ajoutée à partir de nos ressources locales, en particulier le pétrole, en développant des capacités de transformation sur place et en assurant une offre locale des produits dérivés.
Nous attendons du Cameroun, qu’il accélère la réhabilitation de la Sonara (Société Nationale de Raffinage).
Nous devons associer à la réglementation des changes des projets concrets, pragmatiques et productifs, capables d’inverser durablement la tendance des transferts sortants de devises. Certes, les transferts entrants ont enregistré une hausse significative ces dernières années, mais les flux sortants continuent de peser lourdement sur nos réserves.
C’est pourquoi nous appelons à la responsabilité et à la compréhension des agents économiques. La Banque centrale demeure pleinement engagée à leurs côtés et mobilise tous les moyens nécessaires pour les accompagner.
Il est donc impératif de créer davantage de valeur ajoutée à partir de nos ressources locales, en particulier le pétrole, en développant des capacités de transformation sur place et en assurant une offre locale des produits dérivés.
Je tiens d’ailleurs à réaffirmer que la réglementation des changes n’est pas rigide : elle est, au contraire, dynamique et évolutive. Nous restons à l’écoute des préoccupations du terrain, et les demandes de flexibilité seront examinées avec sérieux, de manière ciblée et adaptée à chaque secteur.
Quels sont les principaux challenges qui se posent ?
Nous allons poursuivre la mise en œuvre intégrale de la réglementation des changes. Ensuite, nous encouragerons la mise en œuvre de la stratégie d'import-substitution qui permet de réduire le niveau des transferts sortants en produisant localement. Nous sommes dans une zone communautaire, avec une monnaie commune mais nos échanges sous-régionaux restent relativement faibles. Nous souhaitons que toutes les barrières soient levées pour que le commerce puisse être plus fluide et favoriser l'émergence de toute cette stratégie de diversification que nous soutenons.
Africa24monde avec EcoMatin