
«Nous allons tout faire pour devenir des fabricants de vaccins»: Mokgweetsi Masisi, président du Botswana
Plus d'un milliard de dollars pour accélérer la production de vaccins sur le ...
© Le président du Botswana, Mokgweetsi Masisi, s'exprime sur scène lors de Global Citizen NOW 2024 aux Spring Studios le 2 mai 2024 à New York.(image d'illustration)Noam Galai/Getty Images
Plus d'un milliard de dollars pour accélérer la production de vaccins sur le continent africain. C’est l’une des annonces faites le jeudi 20 juin lors du Forum mondial pour la souveraineté et l'innovation vaccinales, qui s’est tenu à Paris. Un sommet pour faciliter l’accès aux vaccins et à leur fabrication en Afrique. La question de l'inégalité de l'accès aux vaccins sur le continent africain a été mise en lumière par la pandémie de Covid-19.
Aujourd’hui encore, le continent est confronté à une pénurie de vaccins contre le choléra. Parmi les présidents africains présents lors de ce sommet : celui du Sénégal, du Ghana, du Rwanda et du Botswana. Le président botswanais Mokgweetsi Masisi était l'invité de Radio France International (RFI) où il répondait aux questions d’Alexandra Brangeon.
Monsieur le Président, pourquoi cette question de fabrication locale de vaccin est importante pour le Botswana ?
C’est très important pour le Botswana de pouvoir accéder à des vaccins et de pouvoir les produire localement, parce que notre expérience avec la dernière pandémie de Covid a été très brutale. Notre pays a une économie sobre, frugale. Nous avions mis de l’argent de côté, en cas de besoin, et nous avons été obligés d'utiliser ces économies pour essayer de sauver notre population, en achetant des vaccins, tout en essayant d'en obtenir via l'organisation vaccinale Gavi. Nous avons payé, attendu, attendu encore et les gens sont morts. C’était un moment très difficile. Les pays producteurs, où les vaccins étaient manufacturés, ont sauté sur les vaccins, en en prenant parfois trois fois plus que ce dont ils avaient réellement besoin. Alors que nous – qui avions payé pour ces vaccins – nous regardions nos citoyens tomber comme des mouches. Nous avons alors décidé que, quoi qu’il arrive, nous allions tout faire pour devenir des fabricants de vaccin, responsables et éthiques... Pas seulement pour nous même, mais une consommation globale. Car jamais, jamais, nous n’aurons une politique comme celle adoptée par les fabricants de vaccins à l’époque.
De quoi avez-vous besoin aujourd'hui pour y arriver ?
Nous avons besoin de technologie, de finance, de capital intellectuel. Nous devons discuter de partenariat, d’assistance. C'est pour cela que je suis ici, en France, pour demander de l’aide et rencontrer des gens qui souhaitent la même chose.
Avez-vous eu des discussions avec la France pour obtenir des financements et trouver des financements ?
Vous savez, l’argent n’est pas le principal obstacle. Là où il y a une volonté et un projet solide, les financements suivent. L’obstacle principal est d'obtenir l’accord de ceux qui ont la technologie, les brevets. Nous ne demandons que ces brevets soient levés, nous demandons des partenariats. Mais au-delà de tout cela, nous voulons pouvoir construire nos propres capacités de production.
Alors parlons de diamants : votre le pays en est le premier producteur africain. Récemment, avec l’Angola et la Namibie, vous avez écrit aux leaders du G7 pour protester contre une de leurs décisions, qui vous oblige à envoyer vos diamants – exportés dans ces pays du G7 – en Belgique pour y être certifiés. Une mesure imposée par ces leaders du G7 pour limiter l'importation de diamants russes, qu'ils estiment financer le conflit en Ukraine. Est-ce une mauvaise mesure ?
C’est une décision scandaleuse, car nous n’avons pas été consultés et c'est une attaque envers notre souveraineté. Aussi louable soit la raison derrière cette décision, elle se fait au détriment de notre développement. Elle fait du mal à notre économie. Et nous ne pouvons prendre le risque qu'elle ait un impact sur l'emploi dans notre pays, sur le financement de nos systèmes de santé, d’éducation, d’infrastructure. Toute notre économie est affectée par cette décision. Je suis certain que ce n’était pas leur intention, mais cette décision fait du mal à des économies comme la nôtre, et nous sommes extrêmement dépendants de notre production de diamants.
Parlons d'environnement : vous avez environ 130 000 éléphants sur votre territoire. Et récemment vous vous êtes énervé contre l’Allemagne qui critiquait votre politique de chasse aux trophées. Vous avez même menacé Berlin de leur envoyer 20 000 éléphants. Pourquoi ?
Une fois de plus, je voudrais plaider auprès de nos amis européens, qu’ils prennent le temps de nous parler, de comprendre nos préoccupations. Mais, surtout, plus que tout, j’aimerais qu'ils acceptent une fois pour toute que nous sommes un pays indépendant et souverain, responsable de la façon dont nous gérons nos ressources, notre environnement. Le Botswana a le nombre le plus élevé d’éléphants au monde : nous sommes leaders dans la conservation de la faune et de la flore, y compris des espèces sauvages. Nous avons mis de côté un pourcentage conséquent de notre territoire pour la protection des espèces sauvages. Nous faisons bien plus en termes de conservation que certains pays qui, de façon condescendante, prétendent savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous. Je vous le demande : que sont devenus vos éléphants en Europe ? Et je propose de vous en donner 20 000. Même 25 000, cette fois-ci !
Mais la critique des Allemands était sur l’utilisation de la chasse, que vous avez légalisé il y a quelques années comme moyen de gérer cette population d'éléphants…
La chasse n'est qu'un aspect de notre politique de conservation, tout comme le tourisme photos, et un certain nombre d'autres mesures. Cette chasse aux éléphants est encadrée, elle est légale, régulée, quantifiée, calculée dans le temps, tout en prenant compte du comportement des espèces.
Parlons de politique, maintenant : le Botswana organise des élections générales dans quelques mois. Vous êtes candidat à votre succession. On assiste ces dernières années à une tendance, qui est de vouloir modifier la Constitution pour rester au pouvoir. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Je suis horrifié par cela. Et je suis impatient que mes deux mandats prennent fin. Après cela, je m'en irai.
Vous ne chercherez pas à rester ?
Non je ne resterai pas et je n’essaierai pas non plus de revenir plus tard. Car la Constitution du Botswana est très claire : un leader qui a déjà servi son pays deux fois ne doit et ne peut pas se représenter.
Africa24monde avec RFI