Depuis 2005, l’investissement basé sur les critères ESG s’est imposé comme une référence conciliant rendement et responsabilité. Adopté par les grandes entreprises et les investisseurs, ce modèle voit pourtant sa crédibilité de plus en plus remise en question.
Ces dernières années, les critiques à l’égard des standards environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) se multiplient. Pour John Kerry, ancien secrétaire d’État américain et ex-envoyé spécial des Etats-Unis pour le climat, les normes ESG, édictées par les organisations internationales, initiatives volontaires et agences de notation privées, doivent abandonner leur fondement moral pour s’ancrer dans la réalité économique.
C’est ce qu’il a indiqué lundi 30 septembre, lors de la Building Bridges Conference, un sommet international organisé à Genève, qui vise à accélérer la transition vers une économie durable et plus juste, en favorisant la collaboration entre les secteurs public et privé pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD).
« L’ESG devrait probablement être synonyme d’efficacité, de sécurité et de croissance », a déclaré le responsable qui a ajouté que la finance durable ne pourra convaincre qu’en démontrant sa capacité à améliorer « les fondamentaux économiques, créer des emplois et élever le niveau de vie ».
Les critiques s’articulent autour de plusieurs points, mis en exergue par le cabinet McKinsey. D’abord, l’ESG est accusé de générer lui-même ce qu’il prétend combattre, à savoir le greenwashing. Plutôt qu’un moteur de transformation, il sert parfois d’outil de communication pour séduire investisseurs et clients, sans réel impact sur les modèles économiques.
Ensuite, sa complexité fragilise le modèle. Les entreprises doivent arbitrer entre des objectifs divergents, réduire leurs émissions, améliorer les conditions sociales, renforcer la gouvernance, sans mandat clair de leurs actionnaires. Cet empilement rend l’évaluation peu robuste.
Troisièmement, l’absence de standardisation mine la crédibilité des notations. Contrairement aux notes de crédit, relativement homogènes, les scores ESG varient fortement d’une agence à l’autre. Selon McKinsey, la corrélation entre les principales agences se situe entre 38 % et 71 %. Ces écarts alimentent le scepticisme des investisseurs et compliquent les comparaisons.
Enfin, même lorsqu’il est mesuré, le lien entre ESG et performance financière reste incertain. Certaines études menées par l’université de Chicago ou encore l’European Corporate Governance Institute trouvent des corrélations positives dans certains cas, mais aucune causalité claire et généralisable n’est établie.
Ces dernières années, certaines affaires ont illustré ces contradictions. Il y a trois ans, Tesla, pionnier du véhicule électrique, a été exclu d’un indice ESG tandis qu’ExxonMobil, géant pétrolier, y figurait toujours. La décision a suscité l’indignation d’Elon Musk et relancé les accusations d’incohérence. Dans un autre registre, Deutsche Bank a été visée par une enquête pour avoir promu des fonds verts dont la durabilité était contestée. Ces cas renforcent l’idée d’un système opaque, vulnérable aux dérives marketing.
À ces limites structurelles s’ajoute par exemple le contexte géopolitique. Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a replacé la sécurité énergétique et la souveraineté au premier plan, reléguant au second rang les ambitions de transition d’un important producteur d’énergies fossiles comme les États-Unis.
Africa24monde par Olivier de Souza /Ecofin