
Gabon : Brice Oligui Nguema remporte la présidentielle avec 90,35 % des voix
Le président de la transition du Gabon, Brice Oligui Nguema, a remporté la ...
© Le leader du parti politique Kawtal, Abel Elimbi Lobe
Depuis ses propos tenu dimanche dernier, Elimbi Lobe fait la Une des médias au Cameroun. Invité sur un plateau de débat télévisé sur Info Tv, Abel Elimbi Lobe, dans ses développements a laissé entendre que : « Les Bamiléké d’Ernest Ouandié ont brûlé des villages entiers dans le Mungo pour prendre des terres. Ernest Ouandié est un bandit. Il ne faisait pas de la politique ». Pourtant considéré dans la mémoire collective du Cameroun comme le dernier nationaliste UPCiste révolutionnaire.
Ethnofascistes : les batailles de l'État néocolonial à l'ombre du pluralisme politique.
Une polémique sur un nationaliste et les ethnofascistes de tout bord sont vent debout. Les affres de la guerre d'indépendance du Cameroun sont devenues un combat identitaire. Qui a raison et qui a tort ? Défendre Ernest Ouandié en dehors de son combat pour une indépendance réelle du Cameroun est-il possible ? Tout se mélange et la réalité politique se perd dans des combats d'arrière-garde contribuant à façonner l'image d'un nouvel ordre politique qui désacralise en même temps qu'il perpétue l'État néocolonial.
Dans ce jeu, Elimby Lobe et les suprémacistes ethnofascistes du Bamipower sont dans les mêmes rôles de modulation de l'État. Ils partent juste d'un angle opposé mais qui demeure la fracture ethno-identitaire de l'accès et de la capture de l'ordre politique.
Elimby Lobe n'est pas un personnage sombre et dépourvu de substance. On ne mène pas un combat, fusse-t-il un mauvais combat sans substance. Il faut opposer à Elimby Lobe des arguments logiques liés à l'histoire politique et aux dynamiques institutionnelles de la République en train de se faire.
L'agression contre son épouse lui donne raison même s'il a tort sur le fond. Il s'agit là d'un carburant qui alimente son combat.
Le débat est le suivant : Ernest Ouandié est-il un bandit selon les propos de Elimby Lobe ? À cet question, la réponse de mon point de vue est sans équivoque : Ernest Ouandié ne saurait être considéré comme un bandit. L'indépendance acquise en 1960 est considérée par lui comme factice. Il faut une indépendance réelle. D'ailleurs le Dr Osende Afana, économiste et ingénieur agronome, assassiné le 15 mars 1966 dans le maquis de l'Est Cameroun est dans la même logique. De plus, au regard des logiques néocoloniales post-indépendance, l'on est porté à penser que l'UPC avait raison dans son combat. l'État post-colonial n'a pas véritablement réussi à construire une République.
Il n' y a aucune guerre propre. Meurtres, viols, assassinats, incendies, etc sont le lot de la guerre. Et toute guerre a une dimension liée au foncier. Toute guerre a ses profiteurs et ses perdants. Pendant la guerre, les individus n'ont toujours pas le même regard sur le combat à mener. Et la guerre d'indépendance dans le Moungo n'aurait pas pu échapper à cela.
Dans cette dynamique, le combat d'Elimby Lobe se situe dans la construction d'un ordre politique de l'ouverture démocratique. La libération de la parole entraîne la libération des hommes. Et pour exister politiquement dans la République post-parti unique, on se fabrique des ennemis/adversaires politiques. Elimby Lobe a trouvé son créneau : les envahisseurs bamilekés. Et ils le lui rendent très bien à travers leurs agissements.
Après la guerre d'indépendance, les pouvoirs publics auraient dû prendre la mesure de cette problématique foncière dans le Moungo et la solder en même temps que le solde des dernières poches de la rébellion upéciste. Mais foncièrement néocolonial, le pouvoir a laissé faire. Il est aujourd'hui rattrapé par sa propre réalité au moment où les questions de transition générationnelle et de transition au sommet de l'État sont vivaces.
En se muant en défenseurs de Ernest Ouandié qui ne menait pas un combat pour l'émancipation du peuple bamileké mais pour le peuple Kamerunais (j'ai mis le K à dessein), certains individus originaires de l'ouest finissent par donner raison à Elimby Lobe.
Il convient de signaler deux choses. UPC s'écrit avec C, mais les upécistes écrivent toujours Kamerun. L'armée de Ernest Ouandié était bien ANLK , le K de Kamerun.
Par un décret, le président Ahidjo avait interdit d'écrire Kamerun avec K justement à cause de son combat upéciste. Même les historiens s'y sont résolus. Un effacement de la mémoire construit par la post-colonie.
Il faut opposer à Elimby Lobe, la construction de l'État néocolonial et non pas un ressenti identitaire. Aller dans ce sens lui donnera raison car il est dans une factualité et non dans la dynamique de la République. À cet effet, il vient d'ajouter à son combat, si on peut parler d'un combat, Ernest Ouandié à côté des élus locaux qui dans le Littoral qui sont originaires de l'Ouest sous fond de contestations foncières. Consciencement ou inconsciemment, il est en plein dans les logiques des guerres hybrides d'un État néocolonial.
Les suprémacistes ethnofascistes du Bamipower s'érigent en défenseurs d'un individu (Ernest Ouandié) qui n'en demandent pas tant. Son combat, même si sa rébellion a trouvé un terreau à l'Ouest et dans le Moungo n'a jamais été un combat pour les originaires de l'Ouest. Dans toute guerre comme dans les luttes politiques, il y a toujours un fief ou un foyer intense à partir duquel on construit une stratégie.
Vouloir défendre Ernest Ouandié au nom du communautarisme permet de mettre en évidence des schémas de capture de l'État sur des bases ethnoculturelles. L'on fait ainsi le lit de ce que l'on pense opposer. En réalité, on n'est pas différent de celui que l'on prétend combattre. Il serait illusoire d'oublier le ressenti des populations du fait de la guerre. Il est encore plus pernicieux de travestir l'histoire à son propre profit. Il n'y a qu'un État néo-colonial qui permet à des individus de s'ériger en ce qu'ils ne sont pas.
Au même titre que Rudolph Douala Manga Bell, Martin Paul Samba, Um Nyobe, Osende Afana voire Ahmadou Ahidjo et Paul Biya, Ernest Ouandié n'est pas l'enfant d'un groupe ethnique. Il est seulement né dans un coin du Cameroun/Kamerun avec l'imaginaire culturel de ce lieu.
Africa24monde Par Alphonse Bernard AMOUGOU MBARGA