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Depuis près de trois décennies, la région des Grands Lacs, et plus particulièrement l’Est de la République Démocratique du Congo, est marquée par une instabilité profonde, nourrie par des rivalités géopolitiques, la convoitise de ses ressources naturelles et l’implication toxique d’États voisins, en particulier le Rwanda.
Malgré une succession de tentatives diplomatiques et d’accords jamais respectés, la situation sur le terrain n’a cessé de se dégrader, dans un cycle tragique de violences armées et d'ingérences étrangères. Sous prétexte de préoccupations sécuritaires, Kigali n’a cessé de manipuler des rébellions instrumentalisées, comme le M23, pour maintenir son emprise sur des territoires riches en minerais stratégiques.
C’est dans ce contexte explosif qu’est intervenue, le 25 avril 2025 à Washington, sous médiation américaine, la signature d’une déclaration de principes censée ouvrir la voie à un accord de paix durable. Cette initiative repose sur une méthode rigoureuse, articulée autour de six axes majeurs : le respect des frontières, la cessation du soutien aux groupes armés, la promotion d’une intégration économique régionale, la facilitation du retour des personnes déplacées, le soutien au rôle stabilisateur de la MONUSCO, et enfin, l’engagement de formaliser ces principes dans un accord final d’ici au 2 mai 2025.
Si cette dynamique est porteuse d’espoir, elle ne pourra déboucher sur une paix véritable que si chaque axe est traduit en engagements concrets, et si les responsabilités historiques, en particulier celles du Rwanda, sont pleinement assumées.
Le premier axe, relatif à la reconnaissance mutuelle de la souveraineté et de l'intégrité territoriale, constitue la pierre angulaire de toute pacification réelle. Il impose au Rwanda de renoncer définitivement à toute incursion militaire, directe ou indirecte, en République Démocratique du Congo. Cela implique non seulement la cessation immédiate du soutien militaire et logistique au M23, mais aussi le démantèlement effectif de tous les réseaux clandestins utilisés pour infiltrer ou contrôler des portions du territoire congolais. Pour crédibiliser cet engagement, des mesures précises devront être prises, notamment l’installation de mécanismes conjoints de surveillance des frontières, le partage de renseignements sous supervision internationale et, si nécessaire, le déploiement d’observateurs neutres pour attester du respect de la souveraineté congolaise. À ce niveau, il est impératif que la RDC ne se contente pas de promesses verbales, mais exige des actes vérifiables, tant les précédents démontrent la propension du Rwanda à signer des engagements sans intention réelle de les honorer.
Le deuxième axe, consacré à la prise en compte des préoccupations sécuritaires respectives, vise à neutraliser l’argument récurrent utilisé par Kigali pour justifier ses interventions illégales. La RDC devra, dans un geste de bonne foi, intensifier ses efforts pour démanteler les groupes armés étrangers opérant depuis son territoire, notamment les FDLR. Cependant, cet effort devra s’inscrire dans un dispositif international de vérification, afin d’empêcher que cette exigence légitime ne soit instrumentalisée pour relancer des interventions déguisées. En retour, le Rwanda devra démontrer, par des actes concrets et non par de simples déclarations, qu’il a effectivement cessé tout soutien au M23 et à toute autre force déstabilisatrice opérant à l’intérieur des frontières congolaises. La mise en place d'un comité de suivi bilatéral, placé sous une supervision internationale renforcée, pourrait constituer un levier efficace pour contrôler les engagements sécuritaires des deux parties, et empêcher tout retour aux pratiques d'agression dissimulée.
Le troisième axe, qui porte sur la promotion de l’intégration économique régionale, doit être abordé avec une vigilance extrême. Si une coopération économique pourrait théoriquement favoriser la paix, l’expérience prouve que Kigali a souvent utilisé ses positions commerciales pour légitimer un pillage systématique des ressources congolaises. Il faudra donc que toute initiative d’intégration économique soit strictement encadrée par des accords transparents, prévoyant notamment une traçabilité rigoureuse des minerais, un respect absolu de la souveraineté économique de la RDC et une répartition équitable des bénéfices. La création éventuelle de corridors économiques ou de zones industrielles communes ne devra en aucun cas servir de paravent à la poursuite d’une économie de prédation. L’économie régionale ne pourra devenir un moteur de paix que si elle repose sur l’égalité, la transparence et la stricte reconnaissance des droits souverains de chaque nation.
Le quatrième axe concerne la facilitation du retour des personnes déplacées, une question centrale à la fois sur le plan humanitaire et politique. La violence orchestrée par les groupes armés, dont plusieurs sont inféodés à Kigali, a provoqué le déplacement de centaines de milliers de Congolais. Le retour de ces populations ne pourra être envisagé sérieusement que si leur sécurité est garantie de manière effective. Cela nécessitera la démobilisation complète des groupes armés, la restauration de l’autorité de l’État sur l’ensemble des territoires libérés, la sécurisation des zones de retour, et l’organisation de programmes de reconstruction socio-économique. Il sera également indispensable de surveiller de près toute tentative de manipulation démographique, visant à modifier artificiellement la composition ethnique de certaines régions sensibles, comme cela a été observé par le passé.
Le cinquième axe, portant sur le soutien à la MONUSCO, souligne l'importance de renforcer la présence d'une force neutre capable de surveiller la mise en œuvre des engagements pris. Toutefois, pour être efficace, la MONUSCO devra bénéficier d’un mandat élargi, lui permettant non seulement de protéger les civils, mais aussi de documenter, dénoncer et prévenir toute violation des accords, quelle qu’en soit l’origine. Son rôle devra être renforcé pour servir non pas d’alibi à l’inaction, mais de véritable instrument de stabilisation sous contrôle international.
Ainsi, chacun des cinq axes énoncés dans la déclaration de principes doit être décliné avec une rigueur absolue dans l’accord final attendu le 2 mai 2025. Ce dernier ne devra pas être une simple répétition embellie des engagements passés, mais un véritable mécanisme de transformation des intentions en obligations juridiquement contraignantes, assorties de sanctions automatiques en cas de violation. Toute tolérance à l'égard des manœuvres dilatoires ou des engagements non respectés serait une trahison des espoirs de paix et un encouragement à la perpétuation de l’instabilité.
Dans ce cheminement, chaque étape est interdépendante : la déclaration de principes fonde la volonté politique ; la négociation technique garantit la crédibilité des engagements ; l'accord final confère à ces engagements la force du droit. Cependant, la réussite de cette entreprise dépendra moins de la qualité des textes signés que de la volonté réelle de rompre avec les stratégies de duplicité qui ont jusqu’ici plombé la région. Plus que jamais, il sera nécessaire d’exercer une vigilance rigoureuse, de maintenir la pression internationale, et de s’appuyer sur la mobilisation des sociétés civiles pour que la dynamique enclenchée à Washington ne soit pas une énième illusion diplomatique, mais l'acte fondateur d'une paix véritable et durable.
Africa24monde Par ENGUNDA IKALA