De premières négociations directes sur l'invasion russe de l'Ukraine depuis les premières semaines de cette guerre en 2022 se tiennent ce 16 mai. La priorité de Kiev est d'obtenir de Moscou un « cessez-le-feu inconditionnel », a déclaré le chef du cabinet de la présidence ukrainienne. Au fil des discussions cependant, « les représentants russes présentent des demandes inacceptables qui vont au-delà de ce qui a été discuté avant la réunion », a affirmé une source diplomatique à l'AFP sous couvert d'anonymat.
Ce vendredi 16 mai, les délégations ukrainienne et russe, sous médiation turque, ont entamé leurs premières négociations directes depuis le printemps 2022 pour tenter de trouver une issue à la guerre. Cependant, les espoirs de progrès substantiels sont jugés minces. Le porte-parole de la diplomatie ukrainienne a partagé avec l'AFP une photo des deux délégations assises face-à-face, entourées des médiateurs turcs, et la télévision russe d'État a également diffusé des images. A 12h30 TU environ, une source turque a indiqué à l'agence de presse française que cette dernière réunion était « terminée ».
A l'issue de celle-ci, les Ukrainiens se sont exprimés. La Russie, selon eux, a demandé que l'Ukraine cède de nouveaux territoires, a accusé un responsable ukrainien auprès de l'AFP, qualifiant ces exigences d'« inacceptables » et visant à faire dérailler les négociations. « Les représentants russes présentent des demandes inacceptables qui vont au-delà de ce qui a été discuté avant la réunion », dont « le retrait des forces ukrainiennes de vastes parties du territoire ukrainien qu'elles contrôlent pour qu'un cessez-le-feu puisse être instauré », a affirmé cette source diplomatique sous couvert d'anonymat.
« Il est d'une importance cruciale qu'un cessez-le-feu soit mis en œuvre dès que possible », a déclaré le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan en affirmant que « chaque jour de retard entraîne de nouvelles pertes humaines ». Le chef de la diplomatie turque a également jugé « très important » que ces discussions « constituent la base » d'une rencontre entre les présidents russe et ukrainien.
De hauts responsables ukrainiens ont également rencontré, vendredi, des représentants sécuritaires européens, a indiqué à l'AFP une source au sein de la délégation ukrainienne. Cette rencontre a eu lieu entre les ministres ukrainiens de la Défense Roustem Oumerov, des Affaires étrangères Andriï Sybiga et le chef de l'administration présidentielle ukrainienne Andriï Iermak d'un côté, et des conseillers à la sécurité français, allemand et britannique, ainsi que l'émissaire américain Keith Kellogg de l'autre, a indiqué cette source.
Moscou accusé de ne pas prendre « au sérieux » ces pourparlers
Le secrétaire d'État américain Marco Rubio, arrivé à Istanbul dans la matinée ne participera pas aux discussions entre Moscou et Kiev. Le chef de la diplomatie américaine s'est rendu directement au palais de Dolmabahçe pour y rencontrer ses homologues turc, Hakan Fidan, et ukrainien, Andriï Sybiga, selon un responsable américain. Jeudi, il a déclaré ne pas nourrir « de grandes attentes» concernant la réunion russo-ukrainienne et reconnaissant que l'équipe russe envoyée par Vladimir Poutine n'est « pas au niveau que nous espérions ».
Le président américain Donald Trump a lui estimé que « rien ne se passera (...) tant que (Vladimir Poutine) et moi ne serons pas ensemble ». Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui avait, lui aussi, dit vouloir rencontrer M. Poutine à Istanbul, a accusé Moscou de ne pas prendre « au sérieux » ces pourparlers.
La délégation russe est emmenée par un conseiller de second plan de Vladimir Poutine, Vladimir Medinski, ex-ministre de la Culture. Vladimir Poutine avait proposé des négociations directes entre les deux pays. Mais, mis au défi par Volodymyr Zelensky de se rendre « en personne » à Istanbul pour négocier avec lui, le président russe n'a pas fait le déplacement.
Dans ce contexte, Volodymyr Zelensky a délégué pour les discussions son ministre de la Défense, Roustem Oumerov et un vice-ministre des Affaires étrangères, qui « auront un mandat pour un cessez-le-feu ». Donald Trump, qui pousse les belligérants à conclure la paix au plus vite, a répété jeudi qu'il pourrait se rendre « vendredi » en Turquie en cas de progrès dans les discussions.
La Russie revendique l'annexion de quatre régions du sud et de l'est de l'Ukraine
Vladimir Poutine garde depuis le début de l'invasion des exigences maximalistes. Il répète que le processus de règlement doit s'attaquer aux « causes profondes » du conflit, en premier lieu la volonté de l'Ukraine de rejoindre l'Otan, une alliance que Moscou considère comme une menace existentielle à ses frontières.
La Russie revendique par ailleurs l'annexion de quatre régions du sud et de l'est de l'Ukraine qu'elle contrôle partiellement - Donetsk, Lougansk, Kherson, Zaporijjia - et de la péninsule de Crimée, annexée en 2014. Fin mars, son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait déclaré que « la reconnaissance internationale » de l'appartenance à Moscou de ces territoires est « impérative » pour un règlement du conflit.
Vladimir Poutine a présenté une multitude de justifications à l'offensive de février 2022 contre l'Ukraine, notamment la « protection » des russophones de l'est de l'Ukraine et la « dénazification » d'un pays qu'il accuse d'être sous la coupe de puissances occidentales hostiles à la Russie. Moscou demande notamment que cessent les livraisons d'armes occidentales et la mise à l'écart des groupes ultranationalistes ukrainiens.
Fin mars, Vladimir Poutine avait également évoqué l'idée d'une « administration transitoire » pour l'Ukraine, sous l'égide de l'ONU, une option qui implique le départ de Volodymyr Zelensky.
Kiev appelle ses alliés à fournir des garanties de sécurité au pays
La priorité de Kiev est d'obtenir de Moscou un « cessez-le-feu inconditionnel », a déclaré le chef du cabinet de la présidence ukrainienne avant des pourparlers avec la Russie. « La délégation ukrainienne est à Istanbul aujourd'hui pour parvenir à un cessez-le-feu inconditionnel: c'est notre priorité », a indiqué Andriï Iermak, bras droit de Volodymyr Zelensky, sur le réseau social X.
We coordinated positions ahead of the upcoming meeting between the Ukrainian and Russian delegations in Istanbul.
Ukraine is ready for peace and for a lasting, unconditional ceasefire. We are also prepared for meetings and negotiations at the highest level.
— Andriy Yermak (@AndriyYermak) May 16, 2025
En Ukraine, la question des concessions territoriales est très clivante, la population ayant consenti depuis 2014 à d'énormes sacrifices humains et subi d'importantes destructions matérielles pour conserver ses frontières établies à la fin de l'URSS en 1991. M. Zelensky avait évoqué de possibles « échanges » de territoires avec Moscou concernant les zones tenues par Kiev dans la région russe de Koursk, mais les forces ukrainiennes en ont finalement été chassées fin avril par la Russie.
Reste donc à savoir quelles concessions seraient envisageables entre Kiev et Moscou, alors que l'Ukraine continue d'exiger le retrait pur et simple de toutes les troupes russes de son territoire. Parmi elles, l'épineuse question de la Crimée. Volodymyr Zelensky soutient publiquement que Kiev ne cèdera pas cette péninsule ukrainienne majoritairement russophone et annexée par Moscou en 2014, car la Constitution ukrainienne dispose noir sur blanc qu'elle fait partie de son territoire.
Plus largement, Volodymyr Zelensky appelle ses alliés à fournir des « garanties de sécurité » à l'Ukraine pour dissuader la Russie de l'envahir à nouveau après la conclusion d'un accord de paix. Dans cette optique, Kiev a comme demande principale de rejoindre l'Otan, une possibilité catégoriquement rejetée par Moscou et exclue aussi par le président américain Donald Trump. L'Ukraine, comme autre option, évoque avec les Européens la création d'un contingent militaire occidental qui pourrait être déployé dans le pays, avec le soutien de l'Otan, en cas de paix. Une possibilité également fermement rejetée par Moscou.
Les pourparlers directs entre Russes et Ukrainiens sur l'issue du conflit qui ont lieu ce vendredi sont les premiers depuis le printemps 2022.
Africa24monde avec RFI