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© Une co-entreprise algéro-chinoise pour construire la ligne du chemin de fer saharien
Une entreprise chinoise a débuté la construction de 575 km de voie ferrées en plein milieu du Sahara algérien. Un projet vital pour l'économie de Pékin, avide de minerai de fer, comme pour l'économie algérienne dépendante des hydrocarbures.
Aux confins occidentaux de l’Algérie, dans la wilaya (collectivité territoriale) saharienne de Tindouf, se trouve la mine de Gara Djebilet. Un complexe d’extraction du minerai de fer dont l’exploitation a débuté en 2022.
Dans cette région désertique, où la température peut dépasser les 50°C les jours d’été, et descendre sous les 0°C les nuits d’hiver, des ouvriers chinois s’échinent sur un projet dantesque : construire une ligne de chemin de fer de quelques 575 kilomètres qui permettra de transporter la matière première tirée des entrailles de Gara Djebilet, vers la ville de Béchar, à la frontière avec le Maroc.
Un projet banderole de l'amitié sino-algérienne
L’enjeu est de taille, rapporte le South China Morning Post (SCMP) : connecter ce lieu isolé au reste du réseau ferroviaire national algérien, développé par les autorités depuis la capitale, Alger, située à quelque 1 900 kilomètres de là.
Dans le sillage de la signature en 2023 d’un accord d’exploitation de la mine entre l’Entreprise nationale de fer et d’acier (Feraal), et le consortium chinois CMH, les ouvriers de l'entreprise publique China Railway Construction Corporation (CRCC) ont commencé à piocher la route rocailleuse et poussiéreuse, afin de préparer la pose des rails. Le futur train desservira pas moins de 40 gares entre Gara Djebilet et Béchar.
Le projet ferroviaire fait partie des 19 accords de coopération signés entre Pékin et Alger en juillet dernier, pour une valeur de 36 milliards de dollars. Les deux pays ont resserré leurs relations diplomatiques des dernières années, et élevé leurs relations au rang de partenariat stratégique global en 2014 - la désignation la plus élevée dans le cadre des relations bilatérales de la Chine.
Un gisement de 3,5 milliards de tonnes
Avec ses 3,5 milliards de tonnes de minerai de fer exploitables, Gara Djebilet est l’une des plus grandes mines de fer du monde. Le site est bien connu des géopolitologues : son exploitation fait débat depuis les années 1970, lorsqu’il était prévu que la mine serait développée par l’Algérie en collaboration avec le Maroc, sous la direction du président algérien de l'époque, Houari Boumediene. L’accord a finalement succombé aux différends entre les deux pays sur la question du Sahara occidental.
En 2017, l’entreprise algérienne Nationale de Fer et de l'Acier (Feraal) et l’entreprise étatique chinoise Sinosteel ont été chargées d'étudier la faisabilité d'un projet de développement d'exploitation du gisement. Depuis, les infrastructures ont jailli du sol.
"Il ne fait aucun doute que ce projet est important pour l'Algérie, mais aussi pour la Chine”, selon Yahia Zoubir, chercheur principal non résident au Middle East Council on Global Affairs à Doha, interrogé par le SCMP.
Pour l'Algérie exportatrice d'hydrocarbures, le début de la guerre en Ukraine et l'augmentation du prix des énergies fossiles ont constitué une aubaine permettant de renflouer ses caisses, rappelle TV5 Monde. Les réserves de change de l'Algérie dépassaient en décembre 2023 les 65 milliards de dollars. Toutefois conscient de la volatilité des cours, Alger veut miser sur le minerai pour réduire sa dépendance à l'égard de ses industries pétrolière et gazière en termes de recettes d'exportation, et s'attend donc à un partenariat fructueux avec la Chine à Gara Djebilet.
Selon le député algérien Mohamed Machkak, membre de la commission des transports, à la chaîne chinoise CGTN Africa (la division africaine de China Global Television Network), la liaison ferroviaire de permettra également de désenclaver des régions isolées du Sahara algérien, créant des milliers d'emplois directs et indirects pour les jeunes Algériens.
La dépendance chinoise en minerai de fer
Côté chinois, c’est l’occasion rêvée pour diversifier son apport dans la matière première, et d’atténuer sa dépendance à l’Australie et au Brésil. Pour la République populaire, "il est essentiel d'augmenter les options d'approvisionnement en minerai de fer afin d'éviter de dépendre d'un nombre limité de fournisseurs et de la volatilité des prix ou de l'accès qui peut en résulter", détaille pour le quotidien chinois Lina Benabdallah, professeur associé au département de politique et d'affaires internationales de l'université Wake Forest, aux États-Unis.
Selon Worldsteel, principal syndicat mondial des sidérurgistes, les deux premiers producteurs planétaires d'acier en 2020 étaient le chinois China Baowu Group (115,29 millions de tonnes) et ArcelorMittal (78,46 millions de tonnes). Premier pays producteur d’acier au monde, la Chine ne peut donc pas se passer de son composant principal : le minerai de fer. 70% de cette roche lui provient de l’Australie, pays avec lequel les relations chinoises se sont détériorées ces dernières années.
Le grand dragon est désormais la première source d’importation commerciale de l’Algérie, avec un taux de 17 % en 2022 et en augmentation, rapporte le SCMP. Loin devant la France, qui voit sa contribution nettement réduire, à 10% du marché algérien.
Africa24monde avec GEO