© L’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, repond aux questions du journaliste camerounais, Alin Foka. Mercredi 16 octobre - Photo : Capture d'écran
Dans une interview accordée au journaliste camerounais Alain Foka, diffusée cette semaine sur AFO Média, l’ancien président ivoirien confirme qu’il avait offert 3 millions d’euros (2 milliards de F CFA) en liquide à Jacques Chirac, sans convaincre sur la justification du don. Gbagbo, a abordé plusieurs sujets d’actualité. Il s’est notamment exprimé sur la récente création de l’Alliance des États du Sahel (AES), une initiative née du retrait du Burkina Faso, du Niger et du Mali de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Il est des scènes dont le surréalisme ne réside pas dans le caractère époustouflant d’une révélation. Depuis la publication du livre Ils savent que je sais tout et l’intervention de son auteur, Robert Bourgi, sur la chaîne de télévision France 24, des wagons d’anecdotes plus ou moins inédites dépeignent à nouveau les ressorts de la Françafrique. Entre l’évocation de sommes d’argent indues mirobolantes et la description de procédures de Pieds nickelés, l’évocation d’une volonté du président français d’alors, Nicolas Sarkozy, de « vitrifier » un Laurent Gbagbo en pleine crise post-électorale fait les choux gras des réseaux néosouverainistes. Le premier Ivoirien concerné vient d’avoir l’occasion d’y revenir.
Alors qu’il souhaite prendre sa revanche à la présidentielle de l’année prochaine, le « Christ de Mama » était l’invité exclusif de la chaîne AFO Média, du patron de médias Alain Foka. Avec sa bonhomie habituelle, l’ancien président a peut-être moins mesuré sa manière de présenter certains mouvements de fonds délictueux que la pratique elle-même. Dans la vidéo de l’entretien, porté par l’évocation de ses bisbilles avec Sarkozy, Gbagbo revient sur les relations souvent jugées « incestueuses » de la France et des pays africains classés dans un traditionnel pré carré.
Financement de la campagne électorale de l’ancien chef de l’État français Jacques Chirac
Qu’il ait donné, à une certaine époque, 3 millions d’euros à l’ancien chef de l’État français Jacques Chirac pour financer sa campagne électorale ne lui semble pas un scoop. À l’écran, Gbagbo tente une conversion dilettante en francs CFA – comme si 2 milliards de monnaie locale étaient un détail –, avant de rechercher la page de son livre Pour la vérité et la justice où se trouvait déjà cette révélation, passée étonnamment inaperçue, selon lui. Au-delà de l’éventuelle prescription du don, l’homme politique ivoirien ne semble pas comprendre ce qui fait écarquiller les yeux de son intervieweur. Donner autant d’argent à un candidable français revenait-il à « acheter la paix avec Paris », comme le suggère Alain Foka ?
Sur les raisons qui expliquent le transfert monétaire, l’ancien président répond laconiquement « parce qu’ils m’ont demandé ». « Mais vous ne donnez pas à tous ceux qui vous le demandent », rétorque Foka. « Ah non, mais écoute… C’est Chirac », répond Gbagbo, tout en ajoutant que « ce n’est pas une question de peur ». Et l’interviewé de faire part de son « étonnement » de voir le chef de l’État français lui « demander de l’argent ». Comme un autre président – africain cette fois – aurait été coutumier d’une telle requête, Gbagbo affirme qu’il a donné l’argent « sans… sans… » Il ne finit pas phrase.
Gbagbo critique la CEDEAO, qu’il qualifie de « propagande de la France »?
D’après lui, il est inutile de rester dans la CEDEAO avec plusieurs monnaies différentes. « Il est temps aujourd’hui que l’Afrique règle ses problèmes monétaires », a-t-il martelé.
Laurent Gbagbo n’a pas caché ses réserves vis-à-vis de la CEDEAO, estimant que cette organisation ne répond plus aux enjeux actuels des États ouest-africains. Selon lui, « la CEDEAO ne s’adapte pas aux problèmes » auxquels sont confrontés ses membres. Il justifie ainsi le départ des trois pays en affirmant : « Quand vous n’êtes pas capables dans une communauté de vous mettre ensemble pour chercher de solutions aux problèmes qui se posent, ne vous étonnez pas que les gens vous quittent. »
"Laurent Gbagbo promet une amélioration des relations entre la Côte d'Ivoire et l'AES s’il est élu"
L'Alliance des Etats du Sahel (AES) a été lancé par les dirigeants du Mali, du Burkina et du Niger, tous arrivés au pouvoir par des coups d'Etat.
Gbagbo a affirmé mercredi que les relations entre la Côte d'Ivoire et les pays de l'Alliance des États du Sahel s'amélioreraient s'il remportait l'élection présidentielle prévue fin 2025. Il a déclaré porter "un bon regard" sur ces régimes "arrivées au pouvoir par leurs (propres) moyens" et qu'il considère "comme des Etats, tout simplement"
L’ancien président ivoirien a donc critiqué l’absence d’une force militaire régionale capable de combattre efficacement le terrorisme, une menace qui pèse lourdement sur plusieurs pays de la sous-région, dont le Togo. Selon lui, la CEDEAO laisse ces États livrés à eux-mêmes face aux insurrections terroristes.
M. Gbagbo a par ailleurs dénoncé ce qu’il considère comme une dérive de l’organisation ouest-africaine. « La CEDEAO est devenue un instrument de propagande de la France », a-t-il déclaré, pointant du doigt l’influence extérieure sur la gestion des affaires régionales.
Par Africa24monde et Regard Sur l'Afrique