Nonobstant les avancées notoires en matière de lutte antipaludique dans le monde, la région Africaine demeure celle qui enregistre le plus fort taux de mortalité par paludisme. L’OMS estime que 90% des cas et 92% des décès imputables au paludisme sont survenus en Afrique.
A l’aube de la célébration de la journée mondiale de lutte contre le paludisme jeudi 25 Avril, pour soutenir l’initiative « Zéro Palu, je m’engage », quels sont les ambitions et défis qui persistent en matière de lutte antipaludique en région africaine ?
Chiffres clés
Le paludisme est une maladie potentiellement mortelle due à des parasites transmis à l’homme par des piqûres de moustiques femelles infectés. Près de la ½ de la population mondiale est exposée au risque de la maladie. En 2017, l’OMS estimait à 219 millions le nombre de cas de paludisme (contre 216 millions en 2016) et à 445 000 le nombre de décès dus au paludisme dans le monde. L’Afrique comptabilise à elle seule plus de 92% des cas et des décès, et la maladie y est particulièrement mortelle pour les enfants de moins de 5 ans (+ 70% des décès) et les femmes enceintes.
Quatre pays du continent concentrent près de la moitié des cas (45%). Il s’agit du Nigeria (25%), la République démocratique du Congo (11%), le Mozambique (5%) et l’Ouganda (4%). Les décès sont autant importants dans le pays et 6 pays concentrent à eux seuls 49% des décès : Nigeria (19 %), la République démocratique du Congo (11 %), le Burkina Faso (6 %), la République-Unie de Tanzanie (5 %), la Sierra Leone (4 %) et le Niger (4 %).
Le paludisme a des conséquences économiques dans les zones à forte transmission notamment en Afrique. Il existe un lien entre le revenu des ménages et le risque de paludisme. Selon une étude des spécialistes du paludisme portant sur les pays d’Afrique Subsaharienne, les enfants les plus pauvres courent deux fois plus le risque de contracter le paludisme que ceux moins défavorisés. Les personnes pauvres et marginalisées sont dans l’incapacité financière de se procurer les traitements ou disposent des fois d’accès limités aux soins de santé. Aussi, Le paludisme engendre 12 milliards de dollars de pertes au niveau du produit intérieur brut par an dans les pays africains.
Prévention et traitement du paludisme
Des moyens préventifs et curatifs efficaces existent pour tacler la maladie. L’expérience prouve que si la maladie est diagnostiquée et vite traitée, son intensité peut être réduite et des vies peuvent être sauvées. La lutte anti vectorielle est le principal moyen de lutte antipaludique. Toutefois l’introduction de nouvelles approches de lutte comme les vaccins se développe de plus en plus,
Lutte anti vectorielle
A ce jour, la lutte anti vectorielle demeure le meilleur moyen de prévenir et de réduire la transmission du paludisme. Cela se traduit par l’utilisation dans les foyers des moustiquaires imprégnées d’insecticide et la pulvérisation d’insecticides à effet rémanent à l’intérieur des habitations.
Vaccins antipaludiques
Des vaccins antipaludiques devraient venir compléter les dispositifs disponibles et y occuper une place importante dans l’avenir. Plusieurs vaccins candidats aux modes d’actions distincts sont actuellement à différents stades de développement dans le but de prévenir les infections. Parmi eux, au moins un (le RTS-S) est en passe d’être homologué. D’ailleurs, l’OMS a annoncé son lancement en « phase test » à grande échelle au Malawi, au Kenya et au Ghana. Ces tests vont concerner 360 000 enfants chaque année, vivant dans des régions exposées au paludisme.
Selon les essais cliniques, chez les enfants, le vaccin permettrait de réduire d’environ 40% le nombre de cas de paludisme en général pendant les 4 années de suivi, et de près de 30% le nombre de cas de paludisme grave. Mais bien qu’il ait un potentiel certain, ce vaccin n’est pas la panacée et son efficacité est mitigée. Quatre doses doivent être administrées au jeune enfant, ce qui constitue une contrainte par exemple.
Dans le cadre de la stratégie technique mondiale de lutte contre le paludisme, la communauté sanitaire mondiale a demandé que soient mis au point et homologués, d’ici 2030, des vaccins antipaludiques offrant une protection d’au moins 75 %. Ces produits sont envisagés comme un outil complémentaire qui ne devrait pas remplacer l’ensemble des interventions de base.
Défis
Un monde sans paludisme, telle est la vision de la communauté internationale engagée dans la lutte antipaludique. L’atteinte de cet objectif passera par l’efficacité des systèmes de santé des pays Africains et leurs capacités à s’adapter pour saisir de nouvelles opportunités. Depuis 2000, huit pays ont éliminé le paludisme et de nombreux autres ont réduit la transmission à de faibles niveaux. Les leçons tirées de ces efforts serviront à l’élaboration des programmes futurs.
Toutefois, certains défis persistent et s’érigent comme des obstacles à cette lutte. Il s’agit pour l’essentiel des facteurs ci-après : (i) le manque de financement durable, (ii) le manque de capacités opérationnelles au niveau des systèmes de santé, (iii) la faiblesse des systèmes de surveillance et de suivi-évaluation, et (iv) l’insuffisance de moyens techniques et humains.
- Le manque de financement durable : Il demeure l’un des principaux défis dans la lutte contre le paludisme. Les pays africains restent tributaires des fonds extérieurs et peinent à mobiliser des budgets intérieurs durables pour les projets de santé globalement et de lutte contre le paludisme en particulier. Dans 24 des 41 pays où le paludisme sévit le plus, le niveau moyen de financement disponible par personne à risque a diminué sur la période 2015-2017 par rapport à 2012- 2014. La baisse oscille entre 95 % (au Congo, la plus forte) et 1 % (en Ouganda, la plus faible).
- Le manque de capacités opérationnelles au niveau des systèmes de santé : dans plusieurs pays africains, il existe des gaps en matière de gestion des chaines d’approvisionnement a tous les niveaux de la pyramide sanitaire. Aussi, faut-il ajouter l’absence de règlementation du secteur prive sanitaire qui permet l’usage de médicaments antipaludiques ou d’outils de lutte anti vectorielle inefficaces.
- La faiblesse des systèmes de surveillance et de suivi évaluation: les systèmes de surveillance et de M&E sont des éléments clés dans la planification et la mise en œuvre des programmes de paludisme. Leur efficacité contribue à la réalisation de progrès rapides et durables. Leur faiblesse empêche de suivre correctement les lacunes de la couverture programmatique et l’évolution de la charge de morbidité au niveau des pays.
- L’insuffisance de moyens techniques et humains pour pérenniser et intensifier les efforts fournis par exemple. Dans bon nombres de pays, le personnel dédie aux programmes de lutte antipaludique n'ont souvent pas les aptitudes et les compétences requises pour faire efficacement leur travail, ce qui se traduit souvent par des taux d'exécution médiocres et des écarts par rapport aux objectifs du programme.
Mettre en place des actions pour relever ces défis permettraient d’améliorer l’efficacité des interventions et d’évoluer sereinement vers un monde sans paludisme.
Conclusion
En définitive, les fondements et les ambitions d’un futur sans paludisme sont bien existants et c’est assurément un point fort non négligeable.
Toutefois, un fort engagement au niveau des Etats et une mobilisation des ressources financières solides, durables et suffisantes seront indispensables pour la mise en œuvre des projets et le renforcement des dispositifs existants.
https://zeromalaria.africa/fr/accueil
https://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/paludisme/actualites/pauvret-et-palu-un-cercle-vicieux.html
https://www.lemonde.fr/medecine/article/2018/04/16/paludisme-les-chiffres-cles_5286106_1650718.html
https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/malaria
http://www.rfi.fr/emission/20190423-paludisme-une-vingtaine-vaccins-essai-clinique-homme
Rapport sur le paludisme dans le monde, OMS, 2018
Frejus a une expérience dans le conseil stratégique et opérationnel au sein de Deloitte. Il a notamment accompagné plusieurs organisations du secteur privé et public dans des projets d’études stratégiques, d’étude de marché, de M&A, d’élaboration de business plans et modèles opérationnels, et d’excellence opérationnelle.
Fréjus est diplômé du CESAG et de Hec Paris
Par Fréjus Lingue
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