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© Devant les armes saisies lors des récentes opérations et les micros de la presse, le porte-parole de la police haïtienne Michel-Ange Louis Jeune n'a fourni aucune information sur la disparition du journaliste Vladjimir Legagneur, le 13 mars 2019. Amélie Baron/RFI
Le 14 mars dernier, Vladjimir Legagneur est sorti de chez lui tôt dans la matinée pour aller faire un reportage à Martissant, l’un des quartiers les plus défavorisés de Port-au-Prince. Il n’est jamais rentré chez lui. Un an a passé et rien ne permet d’attester qu’une enquête est effectivement en cours pour déterminer ce qui est arrivé au photojournaliste.
Opérations menées contre les gangs, saisies d’armes ou de drogues des seuls derniers jours : remontant à mars 2018, la disparition de Vladjimir Legagneur n’est plus, depuis longtemps, un point à l’ordre du jour des conférences de presse mensuelles de la police nationale d’Haïti (PNH). Faute d’avoir la moindre information, le porte-parole de la PNH a botté en touche en indiquant mercredi 13 mars que le dossier était entre les mains de la justice.
« Jusqu’à présent, ilest porté disparu. Dès que cette information avait été connue, la police avait aussitôt déclenché une enquête et le dossier a été acheminé devant les autorités judiciaires », a simplement expliqué Michel-Ange Louis Jeune. Quant à l’avancée de l’enquête et de l’instruction qui en découle, le commissaire a confirmé qu’aucun supplément d’information n’a été demandé par le juge à la police judiciaire.
Il avait fallu deux semaines après la disparition du photojournaliste haïtien pour que la police mène une opération sur un terrain vague de Grand-Ravine. Dans cette zone du quartier très pauvre de Martissant, en proie aux affrontements entre gangs, des ossements avaient été récupérés ainsi qu’un chapeau, identifié par la femme de Vladjimir Legagneur comme étant celui du journaliste. Mais depuis, aucune nouvelle des tests annoncés par la police.
« Pourquoi un test ADN prendrait tout ce temps ? C’est quelque chose qui peut être fait en deux ou trois jours », questionne Jeanty Junior Augustin, ami de Vladjimir et également photojournaliste. « La DCPJ (direction centrale de la police judiciaire, NDLR) a peut-être les résultats mais ne veut pas les donner parce que, si ça correspond au corps qu’ils ont retrouvé, que vont-ils faire pour donner une suite à la famille de Vladjimir ? Et si ça n’est pas le résultat attendu, alors ils devront encore chercher, et aussi du coup chercher à qui appartient ce corps », considère-t-il.
Au-delà de ses proches et de sa famille, le silence des autorités policières et judiciaires préoccupe également les organisations des professionnels des médias. « Ni la police ni la justice ne sont en mesure d’apporter des éléments d’information. Un an après, c’est absolument inquiétant », affirme Jacques Desrosiers, secrétaire général de l’Association des journalistes haïtiens (AJH).
« Dossiers qui finissent dans les tiroirs »
Si la précarité des journalistes et les difficultés économiques font qu’Haïti régresse au classement mondial de la liberté de la presse, l’absence de justice dans le pays de la Caraïbe mine depuis des décennies le libre exercice de la profession.
« On peut dire vraiment que malheureusement le dossier de Vladjimir est un dossier qui finit comme les autres, comme celui de Jean Dominique, de Brignol Lindor, de Jacques Roche, de ces dossiers qui finissent dans les tiroirs » regrette M. Desrosiers.
Journaliste le plus populaire à l’époque, Jean Dominique a été tué par balle devant l’entrée de sa station de radio, au coeur de la capitale, en avril 2000.Brignol Lindora lui été lynché en décembre 2001 à Petit-Goave. Torturé puis exécuté, le corps de Jacques Roche avait été retrouvé quatre jours après son enlèvement en juillet 2005. Aucun de ces trois meurtres de journalistes n’a encore été élucidé.
Travailler avec la peur
Ne pas savoir ce qui est arrivé à leur collègue effraie les journalistes en Haïti qui restreignent leurs déplacements dans l’aire métropolitaine.
« Qu’un an après, il n’y ait aucun résultat, ça me fait peur » reconnaît sans peine Jeanty Junior Augustin. « La famille de Vladjimir est encore dans la douleur, encore dans la tristesse. Est-ce que je peux moi mettre aussi ma famille dans cette situation ? Non. Alors s’il se passe quelque chose dans les ghettos, les "zones de non droit" comme on dit, je préfère rester chez moi » témoigne le photojournaliste de 35 ans.
L’incertitude qui plane sur l’existence même d’une enquête sur la disparition de Vladjimir Legagneur constitue, selon les associations de médias, un coup certain porté à la démocratie. « On ne peut pas parler de liberté de la presse quand il y a des endroits où les journalistes ne peuvent pas faire leur travail, des zones où un journaliste peut disparaître sans que l’on sache ce qui lui est arrivé », assène Jacques Desrosiers.
Par Africa24monde Avec RFI - Amélie Baron