Où sont les femmes dans les forces armées ouest-africaines?
Peu nombreuses, peu visibles, elles font face à des barrières persistantes. À ...
© Des femmes manifestent avec le portrait d'Hajar Raissouni, journaliste marocaine arrêtée pour «avortement», le 9 septembre 2019 dans la capitale Rabat. © FADEL SENNA / AFP
En solidarité avec la journaliste Hajar Raissouni, dont le procès pour avortement illégal se déroule en ce moment dans la capitale Rabat, 490 Marocains et Marocaines ont publié une tribune dans plusieurs médias du pays et dans le quotidien français Le Monde.
Au Maroc avait lieu ce 23 septembre la troisième audience du procès de la journaliste Hajar Raissouni, détenue depuis fin août pour « avortement illégal » et « débauche ».
En solidarité avec elle, 490 Marocaines et Marocains signaient aujourd'hui une tribune dans plusieurs médias du pays et dans le quotidien français Le Monde. Dans ce manifeste, ces femmes se déclarent hors-la-loi en expliquant avoir déjà violé les lois obsolètes de leurs pays sur les mœurs et l’avortement. « Des lois liberticides et inapplicables, écrivent-elles, qui sont devenus des outils de vengeance politique ou personnelle. »
« Notre pays est plutôt tolérant envers ces pratiques-là. Nous vivons tous dans le sentiment que nous sommes en liberté et que nous voulons faire ce que nous voulons et que d'un coup d'un seul, de manière complètement arbitraire. Ca peut vous tomber dessus. C'est finalement cette schizophrénie-là que nous dénonçons », explique Laila Slassi, conseillère juridique à Casablanca et militante féministe.
Femmes de tous horizons
Le nombre de signataires est symbolique. Il fait référence à l’article 490 du Code pénal marocain qui punit de prison les relations sexuelles hors mariage. Le nombre de signataires a été multiplié par trois depuis la publication de cette tribune :1 500 personnes l'ont désormais paraphé, dont une grande majorité de femmes.
Le procès d’Hajar Rainoussi représente la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, explique l’une des co-autrices de ce texte, la romancière et réalisatrice Sonia Terrab. « Cela a été très dur à vivre et révoltant pour nous et beaucoup de Marocains l'ont mal vécu mais ne savaient pas comment réagir, déclare-t-elle. On s'est dit qu'il était temps de donner un cadre et d'organiser quelque chose pour que les Marocaines puissent s'exprimer et dire qu'ils en avaient marre et qu'il fallait que cela cesse ».
« Ce qui est incroyable, c'est que quand on a commencé à récolter les signatures, tout le monde nous disait que l'on n'atteindrait jamais le chiffre de 490, que cela serait réservé à l'élite francophone, poursuit Sonia Terrab. Mais on a commencé à recevoir de plus en plus de messages de femmes qui voulaient signer, des femmes de tous horizons, des femmes au foyer, des banquières, des cadres, des professeures, des étudiantes. Des femmes voilées et conservatrices m'ont dit être contre l'avortement et les relations sexuelles hors mariage mais que porter atteinte à la vie privée des gens les révoltait ».
À travers ce texte, les signataires entendent faire naître le débat sur les libertés individuelles. Un débat qui à leurs yeux, n’est ni un luxe, ni une faveur, mais bien une nécessité.
Au-delà de la tribune
Cet objectif en tout cas est pour partie atteint : d'une tribune signée dans Le Monde, le débat s'est étendu sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, la journaliste Aida Alami note que cette visibilité en première page du quotidien français risque de ne pas être apprécié par un sérail marocain jugé « très soucieux de ce qui se dit dans les salons parisiens ».
Sur la toile les personnalités et anonymes multiplient leur soutien à l'initiative : par solidarité, ou « parce que mon corps n’appartient ni à un État et ni à une société » souligne par exemple Soukayna sur Twitter. Le manifeste fait aussi réagir aussi dans la diaspora. Depuis la Belgique, la militante féministe Hafida Bachir espère pouvoir « mettre fin au drame des avortements clandestins » réalisés, faute de moyens dans des conditions déplorables. La signature du manifeste est souvent accompagné du hashtag #FreeHajar en écho à l’arrestation de Hajar Raissouni.
C'est une accumulation d'affaires, d'injustices qui nous a poussées à agir : une actrice arrêtée soi-disant en flagrant délit d'adultère, des couples arrêtés dans des hôtels et humiliés. Cette situation, c'est aussi 600 à 800 avortements clandestins par jour. Le fait que la sexualité soit pénalisée, c'est-à-dire que l'on n'ait pas le droit d'avoir une vie sexuelle en-dehors du mariage, c'est aussi des jeunes femmes qui ne peuvent pas aller porter plainte lorsqu'elles sont victimes d'agressions, alors qu'elles sont victimes de viols. C'est une sexualité qui se fait cachée, qui est misérable dans le sens bourdieusien du terme, pas épanouissante, dangereuse.
Leila Slimani, co-autrice tribune contre les lois sur les moeurs et l'avortement
Par Africa24monde Avec RFI - Pierre Firtion