Des milliers de morts en Libye après le passage de la tempête Daniel qui a entraîné de très violentes inondations. Si les infrastructures libyennes n’avaient pas été détruites lors des bombardements de 2011, les barrages auraient pu tenir après l'ouragan Daniel.

Il y a une dizaine d’années, la Libye faisait la une des journaux : les dirigeants occidentaux célébraient l’assassinat de Mouammar Kadhafi à la suite d’une campagne de bombardement menée par l’OTAN. Une opération qui avait duré des mois, tout cela pour «protéger» le peuple libyen. Aujourd’hui, ce pays d’Afrique du Nord ruiné fait de nouveau parler de lui après un ouragan et des inondations qui ont fait des ravages.

L’ouragan Daniel a frappé le nord-est de la Libye le 10 septembre. Les inondations extrêmes qui l’ont suivi auraient causé la mort de 3 252 personnes, selon le ministère libyen de la Santé à la date du 17 septembre, alors que les Nations unies estiment que près de trois fois plus de personnes ont pu être tuées. A cause de l’effondrement de deux barrages, la ville de Derna a été la plus touchée par la catastrophe. Quelque 40 000 personnes auraient également été déplacées.

Nombreux sont les dirigeants occidentaux qui, après avoir provoqué l’effondrement de la Libye, font aujourd’hui semblant de se soucier du sort des habitants du pays qu’ils ont détruit en 2011, préparant ainsi le terrain à une décennie de chaos. Le plus notable est Barack Obama, dont la fondation collecte des ressources pour des opérations de secours en Libye. C’est très gentil de sa part, sauf que cela n’aurait peut-être pas été nécessaire si l’OTAN n’avait pas détruit les infrastructures du pays. Après tout, c’est Hillary Clinton, secrétaire d’État sous Obama, qui s’était réjouie des tortures et de l’assassinat de Kadhafi en déclarant : «Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort.»

L’OTAN a préparé le terrain à la crise actuelle en Libye

Seuls les dirigeants et les médias occidentaux ont l’audace non seulement de prétendre que la campagne de bombardements de 2011 n’a jamais eu lieu, mais aussi de rendre la Libye responsable de la rupture des barrages près de Derna.

C’est ce qu’a fait le Washington Post en déclarant : «Les fluctuations de ces dernières années ont eu pour conséquence que les différents régimes du pays et leurs fonctionnaires négligents ont laissé les infrastructures essentielles dans un état d’abandon.» Il s’agit notamment des barrages qui, selon les experts, pourraient bientôt s’effondrer. Bien que l’article évoque brièvement le bombardement prolongé de la Libye par l’OTAN, cette mention visait essentiellement à exonérer les pays de l’Alliance de toute responsabilité.

Un article plus honnête de Media Lens souligne que des travaux de maintenance sur ces bagages avaient été entrepris en 2007, interrompus précisément en raison de ladite «intervention humanitaire de l’Occident». «Ces barrages ont été construits dans les années 1970 pour protéger la population locale. En 2007, un contrat a été conclu avec une entreprise turque pour leur entretien. Les travaux ont été interrompus après la campagne de bombardements de l’OTAN en 2011. L’entreprise turque a quitté le pays, ses équipements ont été volés et tous les travaux sur les barrages ont cessé.»

Le même article souligne ce que presque tous les médias occidentaux n’ont pas voulu dire : avant la guerre de l’OTAN contre la Libye, ce pays était «l’un des plus avancés d’Afrique en matière de soins de santé et d’éducation», ce qui n’est plus le cas depuis sa destruction par l’OTAN.

En 2011, l’OTAN (le Royaume-Uni, les États-Unis et d’autres pays) a détruit l’État moderne qu’était la Libye. Les services publics étaient la cible principale. Des mensonges ont été proférés et plus de 10 000 personnes ont été tuées. Ajoutez maintenant les 10 000 morts de Derna, dont le barrage a été victime de l’interruption des travaux à cause de l’attaque. 

Les estimations sur le nombre de morts dans la guerre de 2011 en Libye et dans l’intervention de l’OTAN varient considérablement. Certains chercheurs parlent de plus de 20 000 personnes, dont des centaines de civils tués dans les frappes aériennes otaniennes. Pire encore, après avoir destitué (et, indirectement, tué) Kadhafi, les puissances occidentales ont créé un vide du pouvoir et, par-là, déclenché des années de luttes intestines qui ont plongé le pays dans le chaos. Ils ont également laissé délabrées ou nécessitant des réparations les infrastructures clés, dont beaucoup avaient déjà été endommagées ou détruites par ces mêmes frappes aériennes.

Aujourd’hui, peut-être dans le but de blanchir leurs crimes contre le peuple libyen, les États-Unis ont déclaré qu’ils allaient envoyer 11 millions de dollars d’aide humanitaire à la Libye, ce qui, comparé au 1,65 milliard de dollars que les États-Unis auraient dépensés pour détruire la Libye en 2011, n’est qu’une bagatelle. Un comble.

Propagande typique

L’avocat et journaliste canadien Dimitri Lascaris a indiqué que le Canada avait dépensé un peu moins de 350 millions de dollars «pour participer à la destruction de la Libye par l’OTAN» et qu’il dépenserait maintenant «la somme dérisoire de 5 millions de dollars pour aider les Libyens au moment où ils sont en détresse».

L’hypocrisie des États membres de l’OTAN est tout à fait prévisible et n’étonne nullement. Cependant, le journaliste canadien Yves Engler a expliqué pourquoi les médias occidentaux omettent largement de mentionner, voire de traiter sérieusement, la destruction de la Libye par l’OTAN. «Pour maintenir le soutien public à la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie, il est important d’effacer son histoire de violences. Le refus des médias canadiens de mentionner le rôle de l’OTAN dans l’instabilité de la Libye reflète en partie les exigences de la propagande ukrainienne.»

Engler précise que c’est exactement ce qu’ont fait les médias canadiens, en passant sous silence le rôle de l’OTAN en Libye. Selon lui, la CBC (Canadian Broadcasting Corporation) s’est particulièrement distinguée en publiant un reportage de dix minutes qui accuse essentiellement la Libye et «ne mentionne même pas la guerre de six mois menée par l’OTAN, à laquelle ont participé des avions de chasse, des navires de guerre et des agents des forces spéciales du Canada».

L’observateur explique pourquoi les médias mondiaux et les personnalités publiques évitent d’évoquer l’OTAN dans les reportages actuels sur la Libye. «Nous avons été bombardés d’affirmations selon lesquelles l’OTAN est une alliance défensive qui ne représente de menace pour personne. Ceci a été répété à l’infini au cours des 20 derniers mois. Désormais, les personnalités médiatiques, d’Andrew Chang à Geoffrey York, n’osent pas mentionner le rôle de l’OTAN dans la destruction de la Libye.»

Maintenir le mythe de «l’alliance défensive» va de pair avec la propagande qui soutient la guerre par procuration en Ukraine : l’opération militaire de la Russie était un acte «d’agression non provoquée», les puissances occidentales n’avaient jamais aidé ni encouragé Kiev dans sa guerre contre le peuple du Donbass dans le but de transformer le pays en une place d’armes contre la Russie.

En fin de compte, les guerres menées par les Occidentaux ne visent jamais, au grand jamais, à protéger la population concernée, et encore moins à «apporter la démocratie» aux pays visés. Il suffit de regarder l’Irak, la Libye, la Syrie... ou l’Ukraine.

Africa24mone avec Regard Sur l'Afrique / RT en français