
Mohamed Mbougar Sarr, lauréat du prix Littérature-monde
Un jeune écrivain sénégalais, Mohamed Mbougar Sarr, s’est vu ...
© Djaïli Amadou Amal
Quasi inconnue dans les milieux littéraires occidentaux il y a encore quelques mois, la camerounaise Djaïli Amadou Amal s’est révélée grâce aux Impatientes, une fiction inspirée de faits réels qui met à nu les violences protéiformes que subissent les femmes dans la région du Sahel.
Du mariage forcé au viol conjugal en passant par le harcèlement moral, la polygamie et les violences physiques, elle n’a rien omis, rien évacué de ces sévices qu’elle a, elle aussi, en partie supportés.
Tout commence par un mariage forcé arrangé par deux oncles : suivant la tradition, ils avaient sur elle les mêmes droits que ses parents biologiques. « Si tu refuses, c’est que tu n’aimes pas les tiens », lui assènent-ils. Le chantage affectif fonctionne : elle en aime un autre, mais devient, à 17 ans, la seconde épouse d’une personnalité locale de trente-trois ans son aînée. Un échec. Il la répudie. Elle se remarie ; c’est un nouvel échec : son deuxième mari est violent. Elle s’enfuit vers le sud du pays, à Yaoundé. Son entourage ne comprend pas : passe encore pour le premier mari, qu’elle n’avait pas choisi. Mais elle aurait pu se montrer patiente avec le deuxième, qui est si riche.
On l’exhorte à la patience, c’est-à-dire non seulement en acceptant son sort, mais surtout sans se plaindre. « Je leur répondais par un proverbe peul : « S’enfuir pour sauver sa peau est une forme de courage. » Comme les héroïnes de son roman, Djaïli Amadou Amal a refusé de se soumettre et de se résigner à vivre un destin que d’autres avaient tracé pour elle.
En s’extirpant de ce parcours de vie qui aurait pu la cabosser, la mère de famille qu’elle est devenue réalise qu’il lui faut préserver ses filles de pareils tracas. Alors elle écrit. D’abord une autobiographie qu’elle conserve encore dans ses tiroirs. « L’écriture m’a d’abord servi d’exutoire puis elle a acquis une fonction préventive contre les violences. En montrant des femmes fortes dans un quotidien étouffant, je veux leur prouver qu’il est toujours possible de s’affirmer. »
Lauréate du prix Orange du livre en Afrique en 2019
Arrivée à Paris le 9 novembre en prévision de l’attribution, le 30 novembre, du prix Goncourt 2020, dont elle était l’une des finalistes, et du Goncourt des lycéens, pour lequel elle est toujours en lice, l’écrivaine camerounaise multiplie les interviews avec les grands médias occidentaux et se plie de bonne grâce à d’interminables séances de photos.
Elle vit pleinement la surprise d’être toujours en course pour le plus ancien mais aussi le plus prestigieux prix littéraire français. « Je vis les choses comme elles viennent, au jour le jour », confie-t-elle, consciente néanmoins de la charge qui pèse sur ses épaules. « Au début, c’était une simple histoire entre mon éditrice et moi. Désormais, c’est une histoire d’État [au Cameroun]. »
Cohérente, Djaïli Amadou Amal a créé, parallèlement à son activité d’écrivain, l’association Femmes du Sahel, qui mène ce combat sur le terrain.
Africa24monde avec Regard Sur l'Afrique