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© L’armée s’empare du pouvoir et arrête la présidente Aung San Suu Kyi en Birmanie
Les militaires ont commis leur quatrième coup d’Etat en soixante-trois ans. L’état d’urgence a été déclaré pour un an et le vice-président, Myint Swe, a été nommé président par intérim. Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit en urgence mardi.
L’ex-dissidente de la dictature militaire et désormais dirigeante de Birmanie, Aung San Suu Kyi, a été arrêtée par l’armée dans les premières heures de la matinée de lundi.
La nouvelle a déclenché une pluie de condamnations à travers le monde. Un peu plus de dix ans après une libération qui avait mis un terme à sa quinzaine d’années d’assignation à résidence au temps de la dictature militaire, l’ex-dissidente et désormais dirigeante de Birmanie, Aung San Suu Kyi, a été arrêtée par l’armée dans les premières heures de la matinée lundi 1er février.
Le Conseil de sécurité de l’ONU tiendra une réunion d’urgence mardi matin sur la situation, annonce un programme de travail de l’actuelle présidence britannique de cette instance, approuvé lundi par ses membres. Cette réunion, par vidéoconférence, se tiendra à huis clos, précise le programme. Interrogé sur ce qui en est attendu, le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a affirmé que « ce qui était important était que la communauté internationale parle d’une seule voix ».
Dans un communiqué publié sur Facebook, les militaires avaient également annoncé la proclamation de l’état d’urgence pour un an, affirmant que ces mesures sont un mal nécessaire pour préserver la « stabilité » de l’Etat et que de nouvelles élections « libres et équitables » seraient mises en place au terme de l’état d’urgence. Les dernières élections, les législatives de novembre 2020, avaient été remportées massivement par le parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), ce qui avait suscité l’ire de certains généraux, qui brandissaient depuis la menace d’un coup d’Etat.
« Un coup dur [porté] aux réformes démocratiques »
Le secrétaire général de ONU, Antonio Guterres, avait déjà « fermement » condamné l’arrestation par l’armée d’Aung San Suu Kyi et des autres dirigeants politiques. Avec « la déclaration du transfert de tous les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires aux militaires, ces développements portent un coup dur aux réformes démocratiques en Birmanie », a-t-il ajouté. Le comité Nobel norvégien s’est également dit « scandalisé », réclamant la « libération immédiate » d’Aung San Suu Kyi.
Le président américain, Joe Biden, a appelé lundi l’armée birmane à rendre « immédiatement » le pouvoir. Le locataire de la Maison Blanche annonce par ailleurs un examen « immédiat » des sanctions qui avaient été levées en raison « des progrès vers la démocratie » et a évoqué la nécessité de prendre « les mesures appropriées ». Avant lui, la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, avait déclaré que les Etats-Unis « s’opposent à toute tentative de modification des résultats des récentes élections ou d’entrave à une transition démocratique en Birmanie et vont agir contre les responsables si ces mesures ne sont pas abandonnées ».
Le rappel de la nécessité du respect des élections a également été fait lundi matin par la ministre des affaires étrangères suédoise, Ann Linde, ainsi que par ses homologues anglais, danois, norvégien, indien, japonais et australien.
A la suite du président du Conseil européen, Charles Michel, et du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a demandé le rétablissement du gouvernement civil légitime et « la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues ». Les dirigeants des institutions européennes n’ont cependant pas cité le nom d’Aung San Suu Kyi, après avoir dénoncé son inaction et son acceptation des crimes en cours contre les Rohingyas [ethnie minoritaire de confession musulmane installée dans l’Arakan, Etat frontalier du Bangladesh] en Birmanie. Le Parlement européen l’a exclue en septembre 2020 de la liste des lauréats du prix Sakharov, qu’il lui avait décerné en 1990 pour son combat en faveur de la démocratie.
De son côté, Paris appelle à ce que « le résultat du vote des Birmans soit respecté » et « discute avec ses partenaires dans le cadre des instances internationales », a fait savoir le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, lundi sur Franceinfo, précisant que la « préoccupation » est « forte » pour les Français présents en Birmanie et que « les services du ministère des affaires étrangères sont mobilisés pour suivre et être en contact avec nos ressortissants sur place ».
Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a, quant à lui, estimé que « le transfert des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire à l’armée constitue une inacceptable remise en cause du processus démocratique », réclamant aussi la « libération immédiate et sans condition » d’Aung San Suu Kyi.
« Retenue » et « respect de la Constitution »
Le ministère des affaires étrangères singapourien a, pour sa part, exprimé sa « sérieuse inquiétude », espérant que toutes les parties feront « preuve de retenue ». Il a été rejoint par Pékin, qui appelle les acteurs politiques birmans à « régler leurs différends dans le cadre de la Constitution et des lois, afin de maintenir la stabilité politique et sociale », a déclaré Wang Wenbin, un porte-parole de la diplomatie chinoise.
La Constitution birmane de 2008 est au cœur du problème, selon Bob Rae, l’ambassadeur du Canada auprès des Nations unies, expliquant sur Twitter que cette dernière a été « spécifiquement conçue pour garantir que le pouvoir militaire soit profondément ancré et protégé », ce qui permet aux militaires ce coup d’Etat.
Africa24monde avec AFP