Un avion atterrit sans autorisation à Freetown
Les autorités sierra-léonaises ont révélé que ...
© Des camions chargés de marchandises abandonnés sur l'autoroute est-ouest coupée par les inondations dans le district d'Ahoada de l'État de Rivers, le 22 octobre 2022. REUTERS
Au moins 570 personnes ont déjà laissé leurs vies dans les inondations qui frappent le Sahel en ce moment, alors que les autorités des pays concernés tardent à concrétiser leurs promesses.
Toujours pas d’infrastructures de résilience promises par les gouvernements
Il est 17 h ce vendredi, Aba Kaba, un jeune arbitre de football, est au stade du lycée de Kousseri, dans l’extrême nord du Cameroun, où se déroulent des matchs du championnat de vacances de la ville.
Le temps est clément, mais le ciel est surchargé de nuages. "Je crains qu’il pleuve encore ce soir, d’ailleurs, les services de météo l’ont annoncé", lance le jeune homme.
Aba a dû surseoir à un match auquel il devait officier la veille, à cause des averses. "Il a plu ici hier, de 14 h à 23 h", nous confie-t-il. Il assiste à des matchs reportés une semaine plus tôt, pour les mêmes raisons. "Lorsqu’il pleut, le stade est inondé et cela devient dangereux pour les joueurs. Du coup, nous reportons les matchs", raconte le jeune arbitre.
La saison des pluies n’affecte pas uniquement les loisirs des jeunes en cette période des vacances, mais elle touche la survie même des populations. "Il y en a qui passent des jours sans véritablement manger, parce que le marché de Kousseri est approvisionné par des gens qui viennent des villages environnants. Mais les routes sont désormais difficiles à pratiquer, le marché est presque vide", explique-t-il.
Kousseri est le chef-lieu du département du Logone et Chari, un nom tiré de deux cours d’eau qui arrosent l’extrême nord du Cameroun et qui se croisent à N'djamena, la capitale du Tchad, située de l’autre côté des rives.
Une digue toujours pas construite depuis la promesse il y a 12 ans
Faute de digue, les populations sont souvent obligées d'utiliser des sacs remplis de terre pour se prémunir des inondations fluviales.
Il y a douze ans, le Logone, un des deux fleuves, a fait fureur. Sous la pression des eaux, une digue artisanale a cédé à Maga, inondant 150 kilomètres carrés, et impactant 120 000 personnes dans les environs, dont 27 000 sans-abris. Parmi les victimes, une vingtaine ont perdu la vie, et des dizaines d’hectares de champs dévastés.
12 ans plus tard, les habitants de Kousseri, ville arrosée par le bassin de ce fleuve, dorment toujours d’un seul œil, lorsque la saison des pluies se déclenche.
"Les quartiers du bord du fleuve inondent toujours. Nous sommes organisés en comités de vigilance et comités d’alerte aux inondations, qui alertent au cas où une partie de la digue lâche, et nous nous mobilisons pour les réparations. Les sapeurs-pompiers du Cameroun ont récemment remis 10 000 sacs aux populations’’ confie Aba.
Ce sont ces sacs que les populations remplissent de sable, pour les disposer au bord du fleuve, pour se protéger des inondations.
En septembre 2012, lorsque les événements de Maga se sont produits, le chef de l’État Paul Biya a fait le déplacement des localités sinistrées, et promis aux populations de reconstruire ce qui a été détruit, "pour que vous retrouviez le niveau de vie qui était le vôtre avant ces tristes événements", avait-il déclaré dans son discours.
Promettant aussi de construire une digue définitive sur les berges du fleuve Logone. Une infrastructure de 330 km qui devait partir de Gobo dans le département du Mayo Danay jusqu’à Kousseri dans le département du Logone et Chari.
Depuis la promesse en 2012, le projet n’a jamais vu le jour. Le projet confié au ministère de l’Économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, a été transféré au "Programme Spécial de Reconstruction et de Développement de la Région de l'Extrême-Nord" créé en 2022, dont l’un des objectifs est de renforcer la résilience aux changements climatiques dans la région.
Aladji Magra Massaou, le coordonnateur du projet, a expliqué à la BBC que les études techniques sont achevées et que son organisation entamera la recherche des 900 milliards nécessaires pour la réalisation du projet démarrera en 2025. Il ajoute que, pour l’heure, il n’y a pas de date précise pour le démarrage des travaux.
Tchad : travaux de résilience aux arrêts
Plusieurs quartiers de N'Djamena la capitale du Tchad sont sous les eaux alors que les travaux de construction des infrastrures de canalisation sont aux arrêt.
De l’autre côté des rives des fleuves Logone et Chari, ce sont les mêmes grincements de dents. Depuis le mois de juillet, les populations sont aux prises avec les eaux, sur de longues étendues. En majorité du fait des crues sur les deux fleuves qui se croisent aux abords de la capitale.
Après les inondations inédites de 2022 qui ont touché plus d’1,3 million de personnes à travers le pays, les autorités ont décrété l’état d’urgence et annoncé des mesures visant à calmer la furie des eaux lors des prochaines averses.
Cette année encore, ce sont 964000 personnes qui sont affectées par la furie des eaux, avec plus de 145 morts selon OCHA.
Le Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Habitat et de l’Urbanisme indique que le projet a été adopté dans le cadre d’une politique générale de gestion des inondations allant de 2020 à 2026.
Le volet de ce « projet intégré pour la lutte contre les inondations et la résilience urbaine » consacré à la ville de N’Djamena prévoit entre autres, la construction d’un canal qui traverse les 10e, 8e, 4e et 6e arrondissements, allant du quartier de Diguel à celui de Sabangali.
Ce volet prévoit aussi « la construction/réhabilitation des digues et la mise en place d’un système de drainage dans le 9e arrondissement ».
Les travaux de construction d’une digue de 30 kilomètres destinée à contrer la montée des eaux sur le fleuve Chari qui longe le 9 ème arrondissement ont démarré en mai 2023, mais les populations disent ne voir aucun changement sur leur quotidien.
Le quartier Walia dans le 9ème arrondissement vit de pires moments depuis le début de la saison. De nombreuses maisons sont menacées par la montée des eaux de pluie. Aline Taryam, étudiante vivant dans le quartier, est lasse d’attendre.
Près d'un million de personnes affectées au Tchad
"Cela fait plus d’un an que nous attendons la construction de cette digue, mais rien. Cette année, nous allons souffrir des eaux de pluie. Quand vous voyez cette digue, ça ne va même pas résister. C’est de l’argent gaspillé”.
Depuis le mois de février 2024, les travaux de cette infrastructure sont aux arrêts, selon le ministre de l’Aménagement du territoire.
Mahamat Assileck Halata avance le manque de financement pour expliquer l’arrêt des travaux. "L’État a fait appel à une société chinoise qui, tout de suite, sans avoir l’avance de démarrage, a commencé les travaux. Le travail n'est pas fini. Nous n’avons pas encore réceptionné la digue. Il n'y a pas d'argent puisque la digue aujourd'hui l'entreprise n'a perçu son due qu'à 40 % et cette entreprise a arrêté de travailler depuis 5 mois".
Dans un communiqué datant d'avril 2023, la Banque Mondiale dit avoir approuvé un don de 150 millions de dollars (quelque 90 milliards de Francs CFA) au profit de IDA, dans le but de "permettre au Tchad de réduire le risque d'inondation et de renforcer la planification urbaine résiliente au climat et certains services liés à la gestion des inondations à N'Djamena'', dans le cadre du Projet Intégré pour la Lutte contre les Inondations et la Résilience Urbaine à N’Djamena.
La construction de la digue dans le 9 ème arrondissement figure bien sur la liste des projets à réaliser. Et à en croire les autorités, sa réalisation doit coûter 22 milliards de francs.
Madjasra Nako, un porte-parole de la Banque Mondiale a expliqué à la BBC que son financement ne concerne pas la construction de la digue du 9 ème arrondissement.
Nigeria : Le manque d’infrastructures continue d’affecter les populations
Les inondations sont fréquentes pendant la saison des pluies au Nigeria, mais en 2022, plus de 600 personnes sont mortes et 1,3 million d'autres ont été forcées de quitter leur domicile.
Alors que la saison des pluies atteint sa vitesse de croisière dans une grande partie de l'Afrique, le Nigeria est à nouveau confronté à de graves inondations, une catastrophe récurrente qui touche le pays depuis de nombreuses années.
L'Agence nationale de gestion des urgences (NEMA) a signalé que les inondations ont touché 27 États, entraînant le déplacement de plus de 227 000 personnes.
La région du Nord-Est paie régulièrement le lourd tribut de la montée des eaux, et cette année, la région est particulièrement touchée, avec deux routes principales et un pont crucial emportés par les eaux, coupant les communautés et rendant difficile l'acheminement de l'aide.
Lors d'une interview, le porte-parole de la NEMA a expliqué que l'agence travaillait en étroite collaboration avec les gouvernements des États pour apporter une aide immédiate aux victimes.
« Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour que les personnes touchées reçoivent l'aide dont elles ont besoin », a déclaré le porte-parole.
Cependant, les inondations dans le nord-est du Nigeria ne sont pas seulement une catastrophe naturelle ; elles sont exacerbées par le lâché d’eaux au barrage de Lagdo au Cameroun.
Lors d’une de ces lâchées en 2022, qui a causé de nombreux dégâts côté nigérian, les autorités avaient promis des mesures pour atténuer les effets des eaux sur la population.
Interrogée sur les solutions à long terme, la NEMA a révélé que le gouvernement nigérian construisait actuellement un réservoir dans l’État d'Adamawa pour contenir le débordement.
Mais la situation sur le terrain est tout autre. Les habitants de l'Adamawa expriment leur frustration et leur déception. « Le gouvernement nous avait promis un barrage, mais deux ans après le lancement du projet, rien n'a été fait », déplore l'un d'entre eux.
Ce décalage entre les promesses du gouvernement et la réalité sur le terrain soulève des questions cruciales quant à la préparation et à l'engagement du Nigeria à faire face à la crise récurrente des inondations.
Cependant, alors que la saison des pluies se poursuit, le besoin de solutions durables devient plus urgent que jamais, non seulement pour protéger les vies et les biens, mais aussi pour restaurer la confiance dans la capacité du gouvernement à protéger ses citoyens.
Niger les alertes précoces font elles effet ?
Le Niger paie particulièrement le lourd tribut des inondations cette année, avec au moins 217 morts depuis le début de la saison des pluies, et au moins 353 287personnes impactées, selon les chiffres officiels.
Début 2023 , le pays a lancé un plan de contingence triennal, qui doit s’achever fin 2025. Selon les autorités, il vise entre autres à réduire de 15% le nombre de personnes à risque d’inondations, à travers des alertes.
Le plan prévoit aussi l’assistance gestion efficace du dispositif et mécanismes de gestion des réponses d’urgences aux inondations. Ce pan particulièrement est la première poche de dépense de l’enveloppe du projet, avec 83 % des 43,7 milliards de francs CFA prévus par le gouvernement.
Une ONG qui accompagne le gouvernement dans ces activités, a expliqué à la BBC qu’elle n’a reçu aucun financement cette année.
Sur le terrain, des personnes sinistrées dans la région de Tahoua, où 54 personnes ont été emportées par les eaux alors qu’elles étaient à bord de deux voitures de transport en commun ont confié à la BBC qu’elles n’avaient reçu aucune aide du gouvernement pour faire face à la situation d’urgence et aux dépenses engendrées.
Sollicités, les responsables du ministère de l'Action Humanitaire et de la Gestion des Catastrophes n'ont pas donné suite à nos demandes d'interview.
L'Agence de Presse Nigérienne a annoncé le 22 août que les autorités militaires ont décidé en Conseil des ministres, du déblocage de 12 milliards de francs CFA pour la gestion des inondations.
Le gouvernement n'a pas précisé si les fonds débloqués l'ont été dans le cadre du plan de contingence triennal en cours.
Africa24monde avec BBC Afrique Par Armand Mouko Boudombo