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© Le président béninois Patrice Talon, accusé de dérive autoritaire
Après des mois de crise politique au Bénin, le dialogue voulu par le président Patrice Talon, accusé de dérive autoritaire, devrait s’ouvrir jeudi en l’absence des principaux partis d’opposition et de la société civile.
Le petit pays d’Afrique de l’Ouest, longtemps considéré comme un modèle de démocratie, traverse une période difficile depuis les législatives du 28 avril, auxquelles l’opposition n’a pas été autorisée à participer. Les manifestations populaires qui ont suivi, et leur violente répression, ont fait une dizaine de morts par balle.
Mais la main tendue du pouvoir, qui avait promis dès le mois de mai de rassembler les différents courants politiques après des semaines de tensions, est vue par beaucoup comme un “non-évènement”.
Si le contenu de cette rencontre – censée durer jusqu‘à samedi – reste flou, le gouvernement a été clair : il ne s’agit “en aucun cas” d’une nouvelle “Conférence nationale” comme celle de 1990, qui avait mis fin au régime communiste de Mathieu Kérékou et insuflé un vent démocratique dans le reste de l’Afrique francophone.
“C’est un dialogue politique pour résoudre des problèmes spécifiques et purement politiques. Ce dialogue ne postule pas qu’on débatte de ces questions devant la nation et que tout le monde s’y invite”, a déclaré lundi à la presse le ministre de la Communication, Alain Orounla. “La politique et les réajustements politiques ne sont pas l’affaire de la société civile ni du clergé”.
Neuf partis ont été invités à prendre part au dialogue, mais uniquement ceux qui ont été reconnus officiellement par le gouvernement, dont beaucoup de satellites de la majorité présidentielle.
Ni l’Union Sociale Libérale (USL) de l’homme d’affaire Sébastien Ajavon, aujourd’hui exilé en France, ni Restaurer l’espoir, de l’ancien ministre de la Défense Candide Azannaï, n’ont rempli les conditions légales posées par le gouvernement.
“On ne peut rien attendre de ce dialogue (…) L’initiative du chef de l’Etat est une initiative d’exclusion. De nombreux grands partis n’ont pas été convoqués”, a dénoncé le secrétaire général de Restaurer l’espoir, Guy Mitopkè, assurant que son parti remplit pourtant “toutes les conditions en tant que formation politique”.
“Pour un dialogue, il faut un médiateur impartial et que les camps antagoniques aient l’arbitrage nécessaire, ce qui n’est pas le cas. Il faut aussi que les décisions qui seront prises soient exécutoires, ce qui n’est pas le cas”, a-t-il déclaré à l’AFP.
“Assécher les opposants”
Autre poids lourd de l’opposition, le parti de l’ex-président Thomas Boni Yayi – qui avait quitté Cotonou fin juin après le siège de son domicile par les forces de l’ordre durant les violences post-électorales -, a accepté le principe du dialogue, mais a posé des conditions.
“Nous voulons participer au dialogue politique, mais nous demandons au chef de l’Etat de revoir certaines choses parce que nous avons des gens à l’extérieur fuyant le régime (…) des gens qui sont en prison”, explique à l’AFP Paul Hounkpè, secrétaire exécutif de Forces Cauris pour un Bénin immergent (FCBE). “Nous lui demandons de libérer les prisonniers et de laisser rentrer les exilés”.
M. Hounkpé plaide aussi pour que “le dialogue aboutisse à la reprise des élections législatives” avec des candidats d’opposition.
De nombreux observateurs locaux et internationaux dénoncent régulièrement un tournant autoritaire du président Talon. Depuis son élection en avril 2016, son gouvernement a adopté plusieurs mesures interdisant ou restreignant le droit de grève et de rassemblement public.
La majorité de ses opposants ont fait face à de grave ennuis judiciaires, à commencer par ses principaux rivaux à la dernière présidentielle, en exil, qui ont écopé de lourdes peines.
En octobre 2018, Sébastien Ajavon a ainsi été condamné par un tribunal spécial à 20 ans de prison pour trafic de cocaîne, tandis que Lionel Zinsou, arrivé second, a été condamné début août à cinq ans d’inéligibilité et six mois d’emprisonnement avec sursis pour usage de faux documents.
Pour Vincent Foly, éditorialiste et directeur de publication du quotidien d’opposition La Nouvelle Tribune, le chef de l’Etat cherche avant tout à “redorer son image et calmer les inquiétudes des investisseurs extérieurs car le Bénin se trouve dans une situation économique difficile”.
“En réalité, le président Talon continue à miser sur l’assèchement des ressources des opposants” avant les élections locales de mars 2020, et surtout la présidentielle de 2021, estime l’analyste.
Par Africa24monde Avec AFP