Poutine : "La Russie n'est pas en Afrique pour chasser la France"
Deux jours avant l’élection présidentielle russe, qui s'est ...
© Dmitri Peskov, porte-parole du président russe
C’est hier, Lundi 21 décembre 2020, que Dmitri Peskov, le porte-parole du président russe, a fait part aux journalistes durant une conférence de presse, de l’inquiétude du Kremlin devant l’impasse dans laquelle se trouvent les forces gouvernementales et les groupes rebelles.
“Nous suivons la situation de près. Recevons les nouvelles. A partir de là, nous les analysons. Et les informations qui nous arrivent suscitent notre très vive inquiétude.” déclare Peskov.
Ajoutant que selon les informations reçues de là bas par le Kremlin, “Il n’y a pas de menace pour la vie des citoyens russes. Mais nous continuons à suivre la situation de très près.”
Mais, interrogé sur le sujet de la présence ou non de troupes régulières russes en Centrafrique, comme l’a annoncé officiellement son homologue centrafricain Maxime Kazagui, il a préféré éluder la question.
Depuis le début de sa coopération militaire avec le gouvernement centrafricain de Faustin-Archange Touadéra il y a trois ans, la Russie est de plus en plus présente dans le pays, de l'instruction militaire à la protection des mines et de la présidence. La République centrafricaine est devenue en quelques mois un symbole fort de la présence russe sur le continent.
« Les conditions de l’arrivée des Russes en Centrafrique sont connues. Elles sont liées aux sanctions onusiennes sur la Centrafrique qui interdit l’achat d’armement. La réalité, c’est que les groupes armés étaient capables de s’approvisionner en armes via le marché d’armes du Darfour. On a eu également des armes et des munitions qui provenaient du Tchad. Et seul le gouvernement face aux groupes armés n’avait pas la possibilité de s’armer. On a voulu réformer l’armée et l’appareil sécuritaire sans donner la possibilité à cette armée nationale de réellement s’équiper. Cela a tourné au ridicule», explique le chercheur. Pour se procurer des armes, le gouvernement centrafricain devait obtenir l'accord du Conseil de sécurité de l'ONU. Une traçabilité des armes était exigée.
En effet, depuis 2018, des instructeurs militaires russes entrainent les forces armées centrafricaines et assurent la garde rapprochée du président. Ils accompagnent les FACA sur le terrain. Des hommes russes assurent également la protection de mines. Un millier de Russes sont déployés selon des sources officielles centrafricaines. Ces hommes sont en très grande majorité des membres de la société militaire privée Wagner qui appartient à un proche de Vladimir Poutine, Evgueni Prigojine. « Les Russes ont une réelle capacité à projeter des forces et des sociétés de sécurité privées. Les Américains le font. Les Français ont été un peu plus réticents dans un premier temps », explique Roland Marchal, chercheur à Sciences Po Paris. Mais selon Thierry Vircoulon, il ne faut pas se tromper. « Wagner, c’est la Russie ! » Trois journalistes russes qui enquêtaient sur les activités de Wagner ont été assassinés en Centrafrique. Les coupables n'ont pas été retrouvés. L'enquête est au point mort.
« Dans les années 1970, Bokassa avait essayé de sortir de cette dépendance exclusive avec la France en se tournant vers la Libye et les pays du bloc de l’Est. C’est qui avait motivé l’intervention de la France contre son régime en 1979. Nous sommes aujourd'hui dans un contexte international où il y a des rivalités internationales de plus en plus aiguisées entre les Chinois, Américains, Russes ou Turcs. Les Africains disent qu’il y a de la place pour tout le monde. L’intérêt des Africains est surtout de multiplier le clientélisme international et de diversifier la dépendance. La nouvelle revendication de souveraineté des régimes africains consiste à démultiplier les liens de dépendance au lieu de créer les conditions économiques de la souveraineté. Le pouvoir de Bangui s’inscrit dans cette logique », rappelle pour sa part le chercheur Thierry Vircoulon.
Cette présence russe en Centrafrique s’inscrit également dans une volonté plus générale de Moscou d’avancer ses pions et faire valoir ses intérêts sur le continent.
« Cette offensive s’est accentuée depuis la crise ukrainienne. Les Russes ont pour projet d’installer des bases militaires dans cinq pays africains », ajoute Thierry Vircoulon. Moscou va construire une base militaire sur la mer Rouge, à Port-Soudan. Il s'agit d'une première en Afrique depuis l'effondrement de l'Union soviétique.
« Moscou soutient la candidature de Faustin-Archange Touadéra. Le défilé des blindés russes dans les rues de la capitale (NDLR : don de Moscou) en octobre dernier était un message destiné à l’opposition. Les Russes ont également transféré leurs techniques de propagande et de communication au pouvoir en place », constate Thierry Vircoulon. Cette présence reste loin d’être exclusive contrairement à ce que fut celle de la France durant des dizaines d’années. « Le pouvoir à Bangui a deux protecteurs, les Russes mais aussi également la force onusienne, la Minusca. La Chine reste le premier partenaire économique du pays. Et en règle générale, les Centrafricains restent ouverts à tout investissement étranger, sans aucune préférence exclusive. Les Russes ont acquis des permis d’exploitation des mines (NDLR : or et diamants) mais ils n’ont pas encore réellement fait les investissements nécessaires dans ce sens », note le chercheur.
Africa24monde avec RSA